Tension accrue en Haïti où les manifestations se poursuivent
Le 15 décembre 2003, publié sur ufctogo.comPartisans armés du président haïtien Jean Bertrand Aristide et opposants réclamant son départ ont manifesté vendredi 12 décembre 2003 à Port-au-Prince où des barricades enflammées ont été érigées dans les rues, tandis que des témoins faisaient état d’un mort et de plusieurs blessés.
Une personne a été tuée dans le centre-ville au passage d’un véhicule à bord duquel se trouvaient des hommes armés. D’autres personnes ont été blessées par balles ou jets de pierres, selon des témoins, qui en ont attribué la responsabilité à des partisans du pouvoir.
L’activité dans la ville a été paralysée, les commerces ayant fermé leurs portes. Les véhicules étaient très peu nombreux et plusieurs témoignages ont fait état de vols de véhicules par des hommes armés partisans du régime, sillonnant les rues et rançonnant les rares automobilistes.
Plus d’un millier d’Haïtiens, dont certains armés, favorables au président, se sont rassemblés au Champ de Mars, près du vaste palais présidentiel, pour réclamer le respect du mandat de cinq ans (2001-2006) du chef de l’Etat.
Plusieurs milliers d’étudiants ont manifesté de leur côté pacifiquement pour demander au contraire son départ anticipé. André Apaid, coordonnateur du Groupe des 184, regroupant des membres de la société civile et du patronat, participait à cette manifestation, qui a été dispersée par la police au moyen de gaz lacrymogènes et tirs en l’air.
Selon plusieurs radios haïtiennes, des partisans armés du pouvoir se sont emparés d’un dépôt d’armes de la police nationale d’Haïti (PNH) à Port-au-Prince avant de gagner des quartiers populaires.
L’ambassade des Etats-Unis a fermé ses portes et demandé à son personnel et aux citoyens américains de rester chez eux, pour raisons de sécurité. Une mission de six experts norvégiens qui se trouvaient à Port-au-Prince pour former des journalistes haïtiens a écourté de son côté son séjour.
Vendredi, l’influent sénateur Dany Toussaint, ancien proche du président Aristide, a annoncé sa démission du parti Lavalas au pouvoir. Sur une radio privée de Port-au-Prince, Radio Kiskeya, il a assuré qu’il avait le pouvoir "de rétablir la paix en Haïti en 48 heures" après un départ d’Aristide.
Autrefois très proche du président haïtien, Dany Toussaint est un ancien major de l’ex-armée haïtienne, dissoute en 1995. Il avait occupé les fonctions de chef de la police intérimaire après l’intervention américaine qui avait permis au président Aristide de revenir au pouvoir en septembre 1994.
A l’approche des célébrations le 1er janvier du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, sa démission est un coup dur pour le chef d’Etat qui avait appelé à "la concertation, l’union et la paix".
La recrudescence de la tension survient alors qu’une mission française sur les relations entre Haïti et la France, conduite par l’écrivain Régis Debray, vient d’arriver à Port-au-Prince.
Le départ de Lavalas du sénateur Toussaint intervient après la démission de la ministre de l’Education Nationale Marie Carmel Austin. Premier membre du gouvernement à quitter ses fonctions depuis le début du mandat d’Aristide en 2001, la ministre s’était déclarée "horrifiée" par des violences de partisans armés du pouvoir contre des étudiants et des responsables universitaires il y a une semaine.
Quelque 25 personnes avaient été blessées, soulevant un tollé en Haïti et entraînant la condamnation des Etats-Unis, de la France et de l’Organisation des Etats Américains.
L’opposition accrue au président est aussi constatée dans le reste du pays.
A Jacmel (sud-est), des manifestants ont réclamé le départ d’Aristide et des manifestations similaires se sont également tenues aux Gonaïves (nord-ouest) et au Cap-Haïtien (nord), marquées pour certaines par des incidents avec des partisans du pouvoir.
par AFP, le 15-12-2003 à 12:47:52