Air Afrique passe sous la tutelle d’Air France
par Le Monde (France) , le 17 août 2001, publié sur ufctogo.com
Les onze Etats africains actionnaires de la compagnie aérienne ont accepté de devenir largement minoritaires. Le transporteur français se propose de relancer une nouvelle société débarrassée de sa dette.
Air Afrique est morte, vive la Nouvelle Compagnie Air Afrique : ainsi pourrait-on résumer la décision prise, mardi 14 août au soir, par les onze Etats membres de la multinationale aérienne panafricaine (Bénin, Burkina Faso, Congo, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Tchad, Togo, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal). Réunis lors d’un sommet à Brazzaville, la capitale congolaise, les présidents sénégalais, ivoirien, congolais, béninois, tchadien et malien, et les représentants de leurs homologues absents, ont accepté le plan de sauvetage proposé par Air France.
En visite à Paris fin juin, Laurent Gbagbo et Abdoulaye Wade, les présidents ivoirien et sénégalais, avaient été mandatés par leurs pairs pour "rechercher un partenariat technique, commercial et financier (...) en priorité en direction de la compagnie Air France". Air Afrique, qui traîne une dette totale de 2 milliards de francs (305 millions d’euros, autant que son chiffre d’affaires), et qui ne dispose plus que d’une flotte de six avions loués, avait en effet un besoin impérieux de soutien, notamment financier.
C’est pour solder le lourd passif de la multinationale panafricaine que la direction d’Air France a proposé la dissolution de la structure existante et la mise sur pied d’une nouvelle entité qui conserverait les droits de trafic de l’ancienne.
Le plan d’Air France prévoit la montée en puissance de la compagnie hexagonale et un affaiblissement de l’emprise des Etats membres. Actuellement, les Etats membres possèdent 68,44 % des parts, ils en détiendront entre 22 % et 28 % dans la nouvelle compagnie, tandis qu’Air France, aujourd’hui actionnaire à 11,84 %, aura 35 % du capital, le reste ayant vocation à être partagé entre de futurs investisseurs africains, privés et institutionnels.
La nouvelle Air Afrique, débarrassée de toute dette, devra verser une redevance annuelle à l’ancienne compagnie, qui portera la dette restructurée. Ce plan est loin d’être bouclé. Il devra notamment recevoir le feu vert des actuels créanciers d’Air Afrique.
L’esprit d’Air Afrique, dont le rôle en faveur de l’intégration économique régionale a toujours été mis en valeur, semble quelque peu altéré. "L’activité régionale serait poursuivie avant d’être transférée progressivement et partiellement aux compagnies nationales", indique le plan d’Air France. Il poursuit, remettant implicitement en question les liaisons existant actuellement entre l’Afrique et les Etats-Unis : "Le trafic passagers de la nouvelle compagnie serait principalement orienté vers le transport intercontinental vers la France."
SURNOMMÉE "AIR PEUT-ÊTRE"
Dès la matinée du 15 août, des divergences d’interprétation du plan de sauvetage sont apparues entre le président sénégalais Abdoulaye Wade, lequel soutenait que les 4200 employés seraient automatiquement "transférés" dans la nouvelle structure, et la direction d’Air France. "Je démens formellement une reprise de tous les salariés. Les effectifs ne sont plus du tout adaptés. Il faudra malheureusement un plan social", explique Philippe Calavia, directeur général délégué aux affaires économiques et financières d’Air France.
L’accueil par le personnel du plan de sauvetage retenu par les chefs d’Etat est jugé important par toutes les parties, notamment en raison de la puissance des syndicats de la compagnie, lesquels n’hésitent pas à bloquer le trafic pour faire entendre leurs revendications. Pour l’instant, ils semblent plutôt bien disposés. Le principe du départ de 1500 à 2000 employés est accepté par l’intersyndicale des travailleurs. "Nous ne sommes pas fermés. Nous pensons que les divergences vont s’estomper, à condition que l’on s’asseye et que l’on discute", a déclaré au Monde un leader syndical en poste à Abidjan, le siège de la compagnie. M. Calavia admet " qu’il faudra dédommager les salariés, notamment avec des aides de la Banque mondiale".
Créée en 1961, Air Afrique a longtemps représenté une illustration au quotidien du projet panafricain. C’est à partir des années 1980 qu’elle est entrée dans une zone de turbulences, notamment à cause de choix stratégiques discutables et de la mauvaise gestion - le président Wade révélait récemment que la compagnie n’avait ni comptabilité ni système informatique digne de ce nom. En raison de ses nombreux retards, elle a été affublée du surnom d’"Air Peut-être".
Appelée en février au chevet d’Air Afrique, la Banque mondiale avait fini par préconiser sa liquidation pure et simple. Sous la pression de l’opinion et des syndicats, les chefs d’Etat africains ont repris l’initiative.
Théophile Kouamouo - Le Monde (France)

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