Annulations de différentes marches pacifiques au Togo : Incompétence des forces de sécurité ou peur du régime ?
par Golfe Info (Togo) , le 17 mars 2008, publié sur ufctogo.com
Jeudi dernier, Agouta Aladjou, porte-parole de l’association togolaise des consommateurs (ATC), confiait : « cette fois-ci la marche aura bel et bien lieu, à moins que le ministre prenne une décision pour mettre fin à la crise (flambée des prix sur le marché) ». À la question de savoir si son organisation avait l’accord du ministère de l’Administration territoriale, il répondra : « nous ne sommes pas sous le régime de l’autorisation, mais sous celui de l’information ». À une autre de savoir si toutes les mesures sécuritaires étaient prises pour éviter au Togo les évènements tragiques de Douala au Cameroun ou de Bobo Dioulasso au Burkina Faso, les responsables de l’ATC se sont voulus rassurants et ont déclaré : « le Togo est un pays très sécurisé où les forces de sécurité font bien leur travail ». Leur porte-parole ajoutera plus tard : « rien ne justifierait dans ces conditions l’interdiction d’une marche qui se veut pacifique ».
Cette sérénité des responsables de cette association ne résistera pas en face : « de la non autorisation de la marche par le gouvernement (et non pas le ministre de l’Administration) ; au refus de l’autorité des forces de sécurité d’encadrer et de sécuriser la manifestation et à des informations … qui font cas d’un montage que certains manifestants seraient déguisés et habillés au couleur d’un parti politique… ».
En somme, la détermination des responsables de l’ATC a trébuché devant des « considérations » qui laissent croire que l’autorité chargée de la sécurité publique ne « voulait » pas de cette marche, a priori, pacifique.
En effet, comment comprendre que cette organisation qui disait avoir mené toutes les démarches administratives pour avoir l’autorisation du ministère de l’Administration territoriale, se voit finalement refuser le droit à l’encadrement et à la sécurisation de sa manifestation par le ministère en charge de la protection civile.
Les forces de sécurité togolaises ne sont-elles plus compétentes à encadrer les marches pacifiques à l’instar des marches de soutien et autres que des togolais organisaient sous le règne du « Père de la Nation » ? N’ont-elles plus les moyens nécessaires pour encadrer et sécuriser une marche pacifique ? Ou tout simplement, le régime Faure a-t-il peur de la rue ? Nul ne saurait répondre avec exactitude à toutes ces interrogations.
Toutefois, quand on se réfère au processus de modernisation des forces de police et de gendarmerie ; quand on sait que les effectifs de ces deux corps ont été revus à la hausse suite aux recrutements de jeunes fonctionnaires de police et agents de la gendarmerie ; et lorsqu’on se rappelle qu’avant les législatives d’octobre 2007, des moyens techniques ont été fournis aux forces de sécurité togolaise pour la bonne cause, l’on ne peut que se dire que l’autorité à peur de la rue.
Arrivé au pouvoir dans les conditions que tout le monde connaît, Faure Gnassingbé semble vouloir profiter de la situation pour ne plus admettre que des Togolais se mettent dans la rue, fusse-t-il pour une marche pacifique. Et pourtant, ce pays a été pendant longtemps dénommé havre de paix. Et à chaque défilé du 13 janvier, les commentateurs des médias officiels ne cessent de rappeler que l’armée togolaise est « disciplinée », mais surtout « au service de la nation ».
Scandalisé par le contenu du communiqué de l’ATC annulant la manifestation de ce samedi, un vieux retraité septuagénaire qui s’apprêtait à y prendre part, s’est demandé si le Togo ne tendait pas alors vers le régime du parti unique. Où tout était fait pour empêcher toute velléité d’expression de mécontentement.
Pour l’heure, Faure Gnassingbé « s’en sort très bien », et nombreux sont ceux qui pensent qu’il doit plutôt travailler pour mettre fin à la crise sociale au lieu que ses ministres et autres proches collaborateurs « oeuvrent » à coup de billets de banque à étouffer de pacifiques marches de protestation.
Le 04 août 2007, une marche pacifique de l’UFC et d’organisations de la société civile a été interdite in extremis par le gouvernement togolais pour des raisons sécuritaires. Quelques mois plus tard, une manifestation de l’intersyndical des travailleurs pour demander l’application des engagements du dialogue social tripartite connaîtra le même sort. Par deux fois déjà cette année, l’intersyndical a été amené à annuler ou reporter sa marche contre les conditions de vie et de travail des fonctionnaires et la vie chère au Togo. Il en est de même pour l’association togolaise des consommateurs. C’est à croire que le régime Faure a une peur bleue des manifestations de rue.
Marc D. Kouakani-Assi
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