François Soudan, Wade et nous
par Le Quotidien (Sénégal) , le 17 décembre 2003, publié sur ufctogo.comDepuis quand François Soudan n’avait-il pas mis les pieds au Sénégal avant d’y revenir pour passer ses vacances d’été en famille ? Ne nous avait-il pas plutôt habitué à fréquenter le Maroc, le Congo Brazzaville, le Togo, le Rwanda, le Cameroun, la Mauritanie ? Il est vrai que dans ces contrées-là, la presse, à force de dénoncer le « cas Soudan » depuis des décennies, a fini par jeter l’éponge. Pas nous.
J’ai suivi avec beaucoup d’attention ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’affaire « Jeune Afrique l’Intelligent - Etat du Sénégal ». J’ai envoyé une correspondance à la rédaction de ce « grand » hebdomadaire parisien pour remettre, comme l’on dit, l’église au milieu du village. Ne me faisant aucune illusion sur la suite qu’elle réservera à mon courrier, je voudrais partager avec les Sénégalais mon indignation.
Pour sa défense, monsieur François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique l’Intelligent, prétextant de la lettre d’un lecteur qui lui était plus ou moins favorable, a cru devoir donner, une fois de plus, des leçons de déontologie et de professionnalisme à la presse sénégalaise. Il en profite au passage pour régler ses comptes avec l’opposition de notre pays et donner son jugement sur ce qu’il appelle la « régression du débat au Sénégal ».
Je note que depuis le début de cette polémique, ni le journal mis en cause, ni l’Etat sénégalais n’ont nulle part démenti l’information. J’ajoute que le « prestigieux » canard n’a jamais expliqué son silence dans les grandes affaires, connues de tous, qui ont fait l’actualité sénégalaise depuis deux mois. Tout comme il n’a pas nié le lien qui semblait exister entre le licenciement d’un des journalistes vedettes de la maison et cette affaire sénégalaise.
Pourtant monsieur Soudan, en bon professionnel respectueux de la déontologie, aurait pu éclairer notre lanterne. Son canard a-t-il reçu de l’argent de l’Etat du Sénégal ? A quelles fins ? On attend toujours la réponse. Le directeur de la rédaction de Jeune Afrique l’Intelligent nous apprend que les « Plus de l’intelligent » (étonnante association de mots) que son journal consacre aux pays, africains le plus souvent d’ailleurs, « permettent en toute indépendance de faire le point sur un dossier d’actualité ou un pays ». Fort bien. Mais combien de fois son magazine fait-il donc le point sur certains pays comme le Rwanda, le Congo Brazzaville... ? C’est à croire que dans ces Etats, l’actualité doit être constamment en mouvement. Monsieur Soudan s’étonne que ce « Plus de l’Intelligent » sur le Sénégal ait soulevé un tel tollé alors que, dans le passé, nul ne s’en offusquait. Alimentaire mon cher Watson... Jamais dans le passé, il ne s’était fendu d’un tel éditorial.
D’ailleurs depuis quand François Soudan est-il l’ami de Wade ? Pourtant dans le numéro 2 057 de son magazine, daté de juin 2000, le même journaliste, évoquant l’affaire des vallées fossiles que Wade semblait vouloir réveiller, y décrivait volontiers le numéro un sénégalais comme un personnage « évasif » et « nationaliste ». Il rappelait en outre les déclarations enflammées de l’actuel président sénégalais lors du conflit sénégalo-mauritanien. Sans doute le chef de l’Etat sénégalais a-t-il, comme Soudan lui-même, fait du chemin depuis. Depuis quelques mois, l’on en a beaucoup appris sur notre propre président et sa famille sous la plume de Soudan : d’abord que les actions sociales de madame Wade ne sont en rien comparables à celles, méprisables, que font les autres premières dames du continent dont ... Soudan fréquente pourtant les époux. On apprend aussi que les enfants du président sénégalais n’ont pas attendu d’être dans la périphérie de la présidence de la République pour faire fortune - bonne nouvelle pour les Sénégalais - et surtout, selon Saint François, que le président Wade, ce nouveau « Dalaï Lama africain » aux beaux costumes, peut voyager comme bon lui semble, une fois qu’il en avertit son peuple.
Jeune Afrique l’Intelligent avait, en son temps consacré un « Plus » à la « face cachée du monde » de Péan et Cohen. A quand un Plus sur « La face cachée de Jeune Afrique l’intelligent » ?
Sans doute, dans les prochains jours, pour nous prouver que nous avions tous tort, le grand hebdomadaire parisien donnera la parole, exprès, à l’opposition sénégalaise pour lui permettre de s’exprimer.
Dernière question ? Depuis quand François Soudan n’avait-il pas mis les pieds au Sénégal avant d’y revenir pour passer ses vacances d’été en famille ? Ne nous avait-il pas plutôt habitué à fréquenter le Maroc, le Congo Brazzaville, le Togo, le Rwanda, le Cameroun, la Mauritanie ? Il est vrai que dans ces contrées-là, la presse, à force de dénoncer le « cas Soudan » depuis des décennies, a fini par jeter l’éponge. Pas nous.
Mamadou NDIAYE - Juriste - PARIS
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