Interview de Gilchrist Olympio
par UFCTOGO.COM , le 29 avril 2004, publié sur ufctogo.com« Nous nous préparons aussi bien au sein de l’UFC qu’avec des camarades de l’opposition, par des concertations, pour définir la forme et le contenu de ce dialogue national. »
Pour visiter le site officiel de Gilchrist Olympio : GilOlympio.com
Interview réalisée par Le Crocodile en collaboration avec Ufctogo.com
Crocodile : le gouvernement togolais a pris, le 14 avril dernier à Bruxelles, à l’ouverture des consultations entre l’Union européenne et le Togo, 22 engagements fermes en vue de décrisper l’atmosphère politique togolaise et pour une éventuelle normalisation de la coopération suspendue depuis 1993. Quelle est votre réaction par rapport à ces engagements ?
Gilchrist Olympio : Permettez-moi d’abord d’exprimer tous mes remerciements à l’Union européenne pour sa rigueur dans l’application de l’article 96 de la Convention de Cotonou au Togo, ainsi que pour sa disponibilité et sa volonté de contribuer à résoudre la crise togolaise de manière pacifique. Je dois ensuite vous dire que, souhaitant nous-même ces consultations, nous nous réjouissons de leur ouverture.
Bien sûr nous sommes agréablement surpris de la tournure rapide des événements. Le gouvernement togolais a accepté de prendre 22 engagements pour sortir de l’impasse politique. Nous en prenons acte avec intérêt.
Mais la plus grande vigilance et la plus extrême prudence doivent être de rigueur. Nous connaissons le régime togolais, il est maître dans l’art de la duplicité. Le sort qu’il a réservé à l’Accord-cadre de Lomé(ACL), malgré les engagements pris devant M. Jacques Chirac, le chef de l’Etat français, est encore présent dans tous les esprits. D’ailleurs selon les informations qui nous parviennent, l’attitude du gouvernement depuis le 14 avril 2004, corrobore notre méfiance. Il n’a pas donné jusqu’à ce jour, des signaux clairs de son acceptation sincère de ces engagements. En guise d’illustration, aucun média public, la Télévision togolaise, la Radio nationale, le quotidien national Togo-Presse n’en a fait état.
Nous espérons que le gouvernement n’a pas pris ces engagements, comme il sait le faire, pour se donner le temps de mieux les violer. Notre attitude d’extrême vigilance nous dicte de tester sa bonne foi tous les jours et de relever les manquements.
Crocodile : Le premier engagement appelle un dialogue national entre le pouvoir, l’opposition et la société civile. Comment entrevoyez-vous ce dialogue et selon vous quels peuvent être les sujets qui seront débattus au cours de ce dialogue ?
Gilchrist Olympio : Nous nous préparons aussi bien au sein de l’UFC qu’avec des camarades de l’opposition, par des concertations, pour définir la forme et le contenu de ce dialogue national.
Bien entendu, le dialogue ne sera pas facile ; mais les 22 engagements pris, sont susceptibles de régler une bonne partie des préoccupations des populations togolaises pour lesquelles nous nous battons depuis longtemps.
M. Eyadéma a pris des engagements conformes à nos vœux. Sur le plan technique, il n’y aura plus de discussion entre le régime Eyadéma et l’opposition. Sauf la mise en oeuvre des engagements, ce qui devra se faire en conjonction étroite avec la communauté internationale.
Notre souhait à l’UFC est que l’opposition se présente en délégation homogène face au bloc monolithique que constitue le pouvoir RPT. Nous travaillons pour cette homogénéité.
S’agissant de la société civile, nous pensons qu’elle joue un rôle important dans tous les pays, surtout dans les domaines des Droits de l’Homme, de l’écologie, de la culture, de l’assainissement de l’environnement financier, économique et social etc..
Cependant, le dialogue inter togolais devant se préoccuper du règlement d’une crise politique, l’UFC pense que ce dialogue doit réunir les protagonistes de cette crise.
Quant aux sujets à débattre, ils sont nombreux ; ils concernent principalement les élections. Les 22 engagements souscrits par le gouvernement en ont réglé un bon nombre, sous réserve de leur bonne exécution. Ce serait également l’occasion d’apporter des précisions sur ceux qui peuvent faire l’objet d’interprétations.
Dans le seul souci de réussir ce dialogue et de sortir une fois pour toutes de la crise, il serait nécessaire d’aborder sans tabou tout autre sujet de nature à assainir la vie politique togolaise et à permettre l’organisation d’élections qui s’imposent à tous.
A notre sens, il est nécessaire d’évoquer le contentieux de la présidentielle du 1er juin 2003 afin d’en tirer toutes les conséquences et de permettre à ce que le bulletin de vote ait un sens pour le citoyen. Il ne faut pas oublier que quand le bulletin de vote perd son sens, c’est la voie ouverte à tous les désordres.
Il sera tout aussi nécessaire qu’ensemble nous convenions de respecter scrupuleusement le caractère républicain de l’armée et de consacrer ses missions traditionnelles, afin d’éviter son utilisation à des fins politiques.
Crocodile : Le dialogue suppose des accords convenus qui doivent être respectés ; or, il y a eu au Togo beaucoup d’accords politiques qui n’ont pas été respectés, par exemple l’Accord-cadre de Lomé signé le 29 juillet 1999. Comment allez-vous faire cette fois-ci pour que les décisions qui vont sortir du dialogue qui s’annonce soient respectées ?
Gilchrist Olympio : Je voudrais d’abord vous dire que les violations ou le non-respect des différends accords ne sont pas le fait de l’opposition.
Ensuite, il faut faire appel à la bonne disposition et à la bonne volonté. Cela étant, instruite par l’expérience, l’opposition devra faire preuve d’une extrême vigilance. Elle devra également compter avec les populations qui doivent être informées en permanence.
Par ailleurs, il faut noter que l’Accord issu du dialogue devra intégrer les missions de contrôle de l’Union européenne et la garantie d’organismes et pays partenaires.
Le dossier togolais est suffisamment grave pour que la contribution de l’ONU ne soit pas négligée.
Crocodile : Quelle doit être l’attitude de l’opposition, du peuple togolais dans son ensemble et de la communauté internationale pour le succès de ce dialogue ?
Gilchrist Olympio : A l’opposition, la vigilance,
Au Peuple, la mobilisation tous azimuts,
Au pouvoir, la bonne foi et le respect des engagements,
A la communauté internationale, la pression et la garantie de la bonne exécution.
Pour le succès de ce dialogue, il faut que tous les protagonistes participent avec un esprit clair et honnête.
Crocodile : D’aucuns pensent qu’il n’y aura jamais de réconciliation véritable au Togo sans une rencontre Eyadéma-Olympio. Etes-vous disposé à rencontrer le Président Eyadéma pendant le dialogue ?
Gilchrist Olympio : J’ai dit à plusieurs reprises qu’il ne faut pas personnaliser le problème togolais. Nous avons affaire à une dictature qui pendant quarante années d’existence, a eu le temps d’endeuiller ou de déstabiliser, pratiquement, toutes les familles togolaises.
Il n’y a pas de raison de focaliser sur le seul cas de la famille Olympio dont certains membres sont des collaborateurs proches de M.Eyadéma.
Pour nous, le problème togolais est politique. Dans ces différents aspects, en dehors du refus d’alternance politique qui le caractérise, il concerne également, entre autres, le règlement de la situation : des victimes des assassinats politiques, des prisonniers politiques, des réfugiés, des licenciés et radiés abusifs de leurs emplois et fonctions etc.
Ce problème une fois résolu, le Togo devra renoncer définitivement aux pratiques qui ont conduit à ces situations. Cette nouvelle donne permettra à notre pays de retrouver un nouveau souffle avec la coopération de la communauté internationale et des institutions financières internationales. C’est de loin la démarche la plus importante.
Pour ce qui nous concerne, si une rencontre Eyadéma-Olympio peut permettre un redémarrage de notre pays et apporter la sérénité, je suis prêt à le rencontrer au Togo ou à l’extérieur. Rappelez-vous qu’en 1999, pendant le dialogue intertogolais sur proposition de la facilitation du dialogue intertogolais, j’ai accepté une telle rencontre que M.Eyadéma a refusé.
Crocodile : A supposer que ce dialogue débouche sur la formation d’un gouvernement de transition. Comment entrevoyez-vous cette transition pour ne pas tomber dans les travers des années 1990 ?
Gilchrist Olympio : Notre souhait le plus ardent est que ce dialogue débouche sur la mise en place d’un gouvernement de transition chargé de la mise en application du reste des engagements souscrits à Bruxelles le 14 avril 2004, de même que de la mise en application de l’Accord issu du dialogue, notamment la décrispation de la situation politique, la tenue d’élections libres, transparentes et démocratiques, y compris la présidentielle, selon un calendrier rigoureux, préalablement établi au dialogue, pour que la volonté du Peuple soit clairement exprimée. Vox populi, vox dei !
Le Crocodile en collaboration avec Ufctogo.com

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