Tchébé

La pratique des échasses au Togo

par Africultures , le 29 juin 2004, publié sur ufctogo.com

Le Togo offre un regard surprenant sur le monde des échasses. Réputés pour leur hauteur : on parlait de 5-6 mètres... j’étais toutefois un peu sceptique sur les possibilités qu’offre les échasses à de telles hauteurs. Il ne restait qu’à aller voir. Deux voyages ont favorisé cette rencontre : le premier en Janvier 2003, le second un an plus tard, en Février 2004. De ces deux dernières escales en terre africaine, un reportage vidéo et un article sur les échasses à Atakpamé verront le jour en guise de témoignage, les deux se complétant. Par Emmanuel Lambert.

 

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Photo cooperationtogo.net

En entrant dans le monde des échassiers, j’ai découvert une richesse incroyable. Sur un plan purement technique tout d’abord, mais également sur le plan de la culture vaudou qui sous-tend cette pratique.
Echasses et danse Tchébé

A la différence de nombreux pays, trouver les échassiers n’est très compliqué au Togo. Il y en a dans plusieurs villes, notamment à Lomé, la capitale, où il existe plusieurs ballets de danses traditionnelles. Néanmoins pour comprendre une culture originale qui utilise les échasses de manière particulièrement intéressante, il existe un lieu : Atakpamé. Cette ville est le centre névralgique puisque c’est ici que sont implantés les Ifè qui est l’ethnie initiatrice de l’échasse au Togo, à travers la danse Tchébé.
A Atakpamé, la danse Tchébé n’est pas un simple spectacle (comme les ballets de Lomé), c’est une danse qui est insérée dans une culture populaire, elle participe donc de la vie sociale. La danse Tchébé a trois composantes : les échassiers, les musiciens et les danseuses au sol. L’intérêt est ici principalement porté aux échassiers qui est la composante fondamentale de cette danse, Tchébé signifiant échasses en Ifè [1] .
Cette danse est pratiquée lors de moments de réjouissances. Si elle a tendance à disparaître aujourd’hui, une des principales occasions de voir Tchébé est l’Odon Itsu, fête annuelle où l’on célèbre l’igname [2] . Cette fête est populaire et liée au vaudou, religion pratiquée par les Ifè. Elle est l’occasion de célébrer et des faire des offrandes aux divinités et aux ancêtres. Cette notion de fête est importante car elle montre le contexte dans lequel se pratique la danse.

"La fête traditionnelle comporte des éléments religieux car elle est placée sous le patronage des ancêtres et est censée réaliser une communion avec le monde mythique. (...) On se réfère à la période créatrice en mimant les gestes des ancêtres, en revêtant les masques qui les représentent. Mais à cette occasion, on viole les règles usuelles et les tabous, on se livre à l’orgie, ce qui est plutôt une attitude magique. En fait, la véritable signification de la fête consiste en une sorte de mise entre parenthèse de la vie normale."
Danse Tchébé et religion vaudou sont intimement liées. En ce sens, la danse des échasses dépasse la simple représentation de spectacle. Si la danse Tchébé est liée à des rituels, des cérémonies et si l’on parle de gri-gri, cela concerne avant tout l’esprit de la fête, la manière de faire cette danse et de rendre hommage aux ancêtres, cela concerne la vie des gens qui, quotidiennement, pratiquent le vaudou, véritable ciment de la société - et non le fait de monter sur des échasses.
Pourtant, pour la majorité des togolais et une partie importante de la population Ifè, la pratique des échasses est une affaire de gri-gri. Chose que ne revendiquent pas les échassiers, pour eux, cela nécessite seulement "d’avoir la tête dure", c’est une épreuve de cœur, de courage. Cette différence de croyance s’explique par les liens entre Tchébé et vaudou que nous étudierons plus en détail par la suite.
Tchébé n’est donc pas une danse réservée à une certaine catégorie de personnes qui aurait des pouvoirs mystiques - malgré que les femmes ne puissent pas faire d’échasses -, mais cela se réfère plutôt à la manière dont on se prépare et dont on danse.

Pour bien comprendre ce qui sous-tend cette pratique, il est essentiel de présenter l’ethnie initiatrice de l’échasse au Togo : les Ifè.

Origine des Ifè

Le Togo est un pays composé d’une quarantaine d’ethnies différentes, que l’on peut situer par zone géographique. Les Togolais passent pour un peuple pacifique car les ethnies auraient fui les attaque extérieure pour se retrouver en paix dans cette partie de l’ancien Dahomey.
A l’origine, les Ifè seraient partis de la ville d’Ilé-Ifè au Nigeria, vers la deuxième moitié du 17ème siècle. Ils se sont ensuite arrêté dans l’actuel Bénin et ont fondé la ville de Ilè-Tchabè, puis les royaumes de Ifita et Ilodji. A la suite de la destruction de ces deux royaumes, ils se sont dirigés vers le Togo en prenant 3 directions. C’est pourquoi on retrouve 3 zones d’implantations des Ifè au Togo :
- la région centrale à Komboli,
- la région maritime, aux environs de Sè-Ana (région de Tabligbo),
- la région des plateaux - autour de la ville d’Atakpamé, où ils sont les plus nombreux. Le choix de la ville d’Atakpamé, ville entourée de 7 collines, s’est fait pour sa particularité géographique et décourager ainsi les assaillants dahoméens. Atakpamé est une ville de 42 000 habitants, située dans une zone montagneuse (entre 600 et 800 m) à 160 km au Nord de Lomé.
Les échasses au Togo se sont répandues à travers la pratique de la danse Tchébé. Suivant cette description, il est normal de retrouver des échassiers dans les zones peuplées par les Ifè.

Pourtant, pour tous les gens d’Atakpamé, les échasses sont nées dans la région des plateaux. Comment comprendre cet apparent décalage ? Les échasses sont-elles nées après l’arrivée des Ifè au Togo, ou bien les échasses ont-elles fait partie d’un bagage culturel lors du déplacement des Ifè ?
L’apparition des échasses

Il y a deux origines qui expliquent l’apparition des échasses au Togo. La première est historique et "rationnelle", la seconde tient du mythe fondateur.

Commençons par celle que l’on peut qualifier d’historique. Cette version n’est pas la plus reconnue, elle est au contraire, presque "anecdotique", dans la mesure où elle est très peu racontée, souvent tue ou ignorée, parfois démentie - particulièrement par les anciens, garants de la transmission du savoir. Elle est toutefois traitée en premier car elle s’accommode très bien à nos esprits d’occidentaux.

Selon cette version, cette danse viendrait du pays voisin, elle ne serait "que" l’amélioration d’une danse existante au Bénin.
La danse s’appelle le Dawe-Houn, elle met en scène une personne qui fait des acrobaties au sommet d’un piquet en bambou fixé au sol et haut de 5 à 6 mètres, ce poteau étant fixé au sol. Pour celui qui allait inventer les échasses, cette danse était trop statique, car elle ne permet pas d’évoluer au rythme de la musique. Afin de pallier cet immobilisme, tout en gardant la hauteur, il suffisait de ne pas planter le poteau en terre mais de tailler deux bois capables de porter un homme, de les fixer sous chacun des pieds, et ainsi de se mouvoir avec : la danse Tchébé était née...

Si cette explication semble possible, il est par contre étonnant de penser que les échasses aient été construites directement à de telles hauteurs. Les premiers essais ont du se faire plus près du sol. Néanmoins, pour les échassiers, c’est depuis toujours, une épreuve de courage : "pour en faire, il faut avoir la tête dure !". Les échasses sont une invitation à se surpasser, à montrer sa valeur. On peut donc penser que leur taille a très vite évoluée pour atteindre les hauteurs utilisées actuellement.

Ce récit s’accorde en tout point avec l’étude du déplacement des Ifè. Elle rend compte de la pratique des échasses en divers lieu du Bénin et du Togo et contribue à faire de la danse Tchébé une sorte de "bagage culturel" que la population a transporté avec elle. Au fur et à mesure des déplacements et des implantations successives des Ifè, on voit cette danse se répandre dans le Golfe de Guinée.
Mais aussi satisfaisante que soit cette explication, elle va totalement à l’encontre des ce que disent les échassiers et la population d’Atakpamé. Pour eux, la danse est née chez eux, dans la préfecture de l’Ogou. Ce sont ensuite certains Ifè en allant vivre dans d’autres régions qui ont transporté la danse Tchébé, où elle est encore pratiquée actuellement. Cette seconde version n’est pas impossible mais elle pose toutefois question. En effet, les lieux où l’on danse Tchébé recouvrent toutes les zones d’implantation des Ifè. Ce qui pose le problème de la connaissance et l’apprentissage de cette danse. Comment cette connaissance à été transmise et surtout acceptée par tous les Ifè puisqu’il n’y a pas eu de déplacement de population par la suite - Atakpamé est le dernier lieu d’implantation des Ifè. Or on retrouve la danse Tchébé non seulement à Kamboli mais également au Bénin.
La seconde conséquence se situe sur un plan historique. Si la danse vient du Bénin, cela signifie qu’on peut en retrouver la trace entre le départ des Ifè et son "invention" à Atakpamé. Dans le cas contraire, il n’y a aucune pratique des échasses dans le golfe de Guinée par les Ifè avant 1800.
Un des moyens d’apporter une réponse serait de connaître la date d’apparition des échasses dans chaque préfecture, mais une telle vérification dans un pays où la transmission du savoir est essentiellement orale n’est pas simple.

La manière dont la danse Tchébé s’est répandue à travers le golfe de Guinée est donc source de questions, mais au-delà des différentes versions sur son origine, une donnée fondamentale reste : la danse a été crée et s’est répandue par les Ifè. Car d’autres ethnies pratiquent cette danse, c’est le cas notamment dans les ballets où les danseurs peuvent être Ewé, Mina... mais si tous pratiquent Tchébé, ils tiennent ce savoir des Ifè.
Le récit fondateur

Dans cette seconde version sur l’origine des échasses, le récit diffère non seulement sur la provenance géographique, mais également dans son explication. Celle-ci s’enracine dans le vaudou, la culture animiste. Cette seconde explication pourrait être facilement qualifiée de mythe fondateur. [3]

Le récit originel sur l’apparition des échasses est relativement récent : il date de 1800, date de la fondation de la ville d’Atakpamé et se situe géographiquement dans la préfecture de l’Ogou, dans la brousse, aux environs de la ville de Datcha.

Ce récit fondateur parle d’un homme, M. Itché qui a découvert les échasses. Itché est un personnage clé dans la construction du récit mais aussi dans la culture vaudou. Car au-delà de cette découverte des échasses, Itché est important pour deux raisons.
Tout d’abord, c’est un jumeau et les jumeaux sont très respectés par la population. Dans le panthéon céleste, l’être suprême qui a crée le monde (Nana Buluku [4] ) est hermaphrodite. En se fécondant lui-même, il a donné naissance a deux jumeaux, auxquels a été confié le commandement du monde - l’un règne sur la nuit l’autre sur le jour. Les enfants de ces jumeaux sont les principaux vaudouns (dieux ou loas). On comprend donc le culte particulier dont font l’objet les jumeaux dans une famille. Il sont parfois même tenus pour plus puissants que les loas car plus près du mystère originel. Reconnus comme étant détenteurs de pouvoirs, ils reçoivent dès leur naissance cérémonies, offrandes et sacrifices.
Ensuite Itché est chasseur. Dans la culture animiste, le chasseur est un homme qui a également des pouvoirs, il pratique des cérémonies avant d’aller à la chasse et se protége ainsi des mauvais sorts, c’est une figure importante, à la fois crainte et respectée de la population. Cette réputation est entretenue par le fait qu’il est formellement interdit au chasseur de révéler les mystères appris dans la forêt, au commun des mortels, aux non-initiés.
Lors d’une chasse dans la brousse, Itché a observé des fées qui dansaient sur des bâtons [5] . Les fées, n’ont que deux membres : une jambe et un bras ; le bâton est donc mis sous l’unique jambe et elles sautent en dansant. Itché a observé tout cela en étant caché des fées, mais afin de signaler sa présence, il a tiré un coup de feu en l’air. Les fées ont pris peur, et dans leur fuite, elles ont laissé leur matériel par terre. Le chasseur a ramassé ces objets et les a amenés au chef spirituel pour "connaître la valeur mystique de ces objets". De retour à la maison, il a décidé de reproduire la même chose, de fabriquer ces même bâtons, qui sont devenus les échasses.
Comme la taille des échasses utilisées par les fées est trop haute, il en a fait de plus petite. L’utilisation est difficile et dangereuse par le risque de tomber, il a donc commencé à 4 pattes - c’est à dire en fixant des bâtons aux mains et aux pieds - pour n’en utiliser ensuite que trois et enfin deux, sous ses seules jambes. Il enseigne cet art, devient entraîneur... La culture des échasses se répand alors...
Cette sortie à la chasse aura été sa dernière sortie. Comme il a décidé de révéler un secret, et de l’enseigner à la maison, il ne peut plus retourner à la chasses dans la forêt, au risque de perdre ses pouvoirs et les pratiques mystiques acquises au cours de sa vie.
Il n’existe pas d’écrit sur cette origine, pas plus que la précédente. Le récit se transmet oralement depuis plusieurs générations
Les deux récits sur l’origine des échasses, sont, on le voit, bien différent l’un de l’autre. Pour nombre de personnes à Atakpamé, le second récit est le seul valable. Certains reconnaissent également le premier, en plus de celui là. Dans ce dernier cas, la question des contradictions liées à l’acceptation de l’un ou l’autre des discours ne se pose pas : les deux récits peuvent très bien coexister ensemble, mais celui qui est important est le second.

Echasses et vaudou

L’importance de l’acceptation de ce dernier discours est liée aux croyances de la société africaine. Pour nous autres, occidentaux, nous ne pouvons accepter cette coexistence de deux discours car notre langage est construit à partir de relations qui empêche toute contradiction logique au sein d’un même système. Les différences de temps et de lieu de ces deux discours nous conduit à devoir accepter l’une ou l’autre de ces origines.
Les Ifè sont d’une part des africains, et d’autre part adeptes du vaudou. Les notions qui gouvernent le langage et le monde ne sont donc pas les mêmes. Et l’importance du second discours par rapport au premier est complètement lié au fait que ce discours s’accorde avec les croyances et les pratiques vaudoues qui sont le ciment de la société. La religion constitue un facteur dominant, notamment en terme d’intégration sociale. Comme le fait remarquer Affala, "La religion africaine, contrairement aux autres croyances n’est pas un contexte spirituel élaboré et formulé spéculativement mais un fait vécu qui a par conséquent l’unité de la vie. Le noir en général n’adhère pas à une religion mais il naît et vit sa croyance tous les jours [6] ." Il ajoute un peu plus loin "Chez les Ifè, le sentiment le plus originel, le plus fondamental des sentiments est le sentiment religieux. Ce dernier conditionne tout le comportement futur de l’homme [7] ".

La danse Tchébé en tant que pratique culturelle et populaire ne fait que s’insérer dans ce réseau de croyances, et si le fait de monter sur les échasses à strictement parler n’est pas une affaire de gris-gris, la danse en tant que telle est par contre intimement liée à la religion [8] .

Toutefois, ces pratiques tendent à évoluer au cours de temps. Elles perdent une certaine notion du sacré, du fait de l’évolution de la société africaine. En effet, cette société est confrontée à des problèmes de transmissions de savoirs et de valeurs hérités des ancêtres dans une société où l’occident impose / génère des valeurs auxquelles se rattachent beaucoup de jeunes et qui ne sont pas toujours compatibles avec les interdits, les secrets que requiert l’apprentissage du vaudou.

La prédominance de l’argent est également un facteur important ; auparavant les cérémonies se faisaient grâce à des offrandes que l’on pouvait trouver acquérir "naturellement" (par la chasse, l’échange, le troc...) maintenant, tout se monnaie ce qui pose souvent problème et contribue au fait que certaines pratiques tombent petit à petit en désuétude faute de moyens financiers.
Si les cérémonies sont moins nombreuses que par le passé, elles restent toutefois très présentes. Ainsi la danse Tchébé demande un certain nombre de préparatifs. Une des premières conditions pour danser est de savoir si le jour de la danse est bon. Pour cela il faut faire des cérémonies en forêt, la nuit. On y invoque les fées, on pratique des divinations afin de voir si le jour est propice ou pas. Dans le cas où cette journée n’est pas favorable, si le devin y décèle des accidents, on peut conjurer les éventuels mauvais sorts par des sacrifices et des cérémonies.

Trois jours avant le jour choisi pour la danse, il est nécessaire de se préparer spirituellement. L’alimentation y contribue, grâce à une nourriture appropriée sans sel ni piment. Le jour de la danse, les échassiers ne doivent pas manger mais se contenter d’une bouillie. Durant cette période préparatoire, ils doivent également s’abstenir de tous rapports sexuels.
Chaque échassier peut y ajouter une préparation individuelle à l’aide de gri-gri, ces pratiques animistes ne sont pas toujours directement liées à des invocations de dieux du culte vaudou, mais peuvent relever de croyances plus personnelles.

Ces exemples montrent les contraintes que demande la préparation des échassiers durant cette période de trois jours. Ils sont surveillés, pour ne pas qu’un interdit soit transgressé ; car une transgression voudrait dire qu’il va y avoir "de la casse", le jour de Tchébé, que l’individu qui n’a pas respecté ces règles va tomber, se blesser...
Il est également nécessaire de faire des cérémonies pour protéger le bois des échasses. Une première cérémonie a lieu à l’issue de la réalisation de la paire d’échasses ; cette cérémonie est renouvelée une à deux fois par an.
Les notions d’interdit et de transgression évoquées ne sont pas spécifiques à la religion vaudou. On retrouve cette conception de manière quasi-identique dans d’autres religions africaines, comme chez les Dogons au Mali par exemple. Un des cas similaires est l’accès des femmes à cette pratique de l’échasse. Dans les deux pays les femmes n’ont pas le droit d’en faire. La raison n’est pas la difficulté technique ou le courage demandé, puisque beaucoup de femmes en seraient capables, mais plutôt les règles dictées par la tradition animiste. D’une manière générale, on fait beaucoup moins confiance aux femmes sur le respect des règles : elles respecteraient beaucoup moins les interdits. Les valeurs issues de cette pratique vaudou rendent difficile le combat des femmes pour leur reconnaissance, et leur égalité avec les hommes.

Un autre facteur qui explique l’exclusion des femmes de la pratique des échasses est qu’elles sont considérées comme impures lorsqu’elles ont leurs règles [9] . Une femme qui est impure ne peut participer à la danse Tchébé et aux préparatifs spirituels. Pour les échassiers, on ne peut pas prendre le risque de danser alors qu’une ou plusieurs femmes pourraient avoir leurs règles, ce qui est synonyme d’accident le jour de la danse. Mais si les femmes sont exclues de la pratique des échasses [10] , elles participent toutefois à la danse Tchébé, à travers les danses au sol.

Dans la danse Tchébé, les échassiers sont masqués. Ce masque, fabriqué à partir d’un morceau de tissu, sert à rester caché, à ne pas se faire reconnaître des gens. Il instaure aussi une relation particulière entre les échassiers et la population puisque ce masque, en rappelant le chasseur et ses pouvoirs, confère aux yeux de la population un certain pouvoir à celui qui le porte. Il entretient une certaine peur et pare les échassiers de mystères. Ce qui explique que la population pense que monter sur des échasses est une affaire de gri-gri ; même si tout le monde sait que les échassiers s’entraînent régulièrement pour arriver à pratiquer.

La croyance au pouvoir mystique des échassiers est donc entretenue psychologiquement avec des attributs (masques, chants...) qui représentent une autre figure craint de la société Ifè : le chasseur.
Si le bois des échasses n’a aucune représentation symbolique, les échasses montrent, elles, que cette danse est léguée par des êtres surnaturels et invisibles. Ce qui renforce d’autant plus la fonction du chasseur détenteur des pouvoirs, au sein de la société Ifè.

Et si le masque rappelle les ancêtres, il n’y a toutefois pas de règles pour l’élaboration du masque, chacun est libre de faire le sien. L’association peut instaurer une règle, une manière de faire, mais c’est un choix de l’association - ce qui n’est d’ailleurs pas le cas à Atakpamé, les échassiers portent ce qu’ils veulent [11] .
Afin d’être encore moins reconnu, les danseurs changent également de vêtement entre eux (ils confondent ainsi les personnes qui savent qu’untel ou untel fait des échasses dans le village) et empêchent alors ceux qui voudraient leur jeter un sort de le faire. C’est véritablement là que se dévoile cet autre aspect de la culture vaudou et des pratiques animistes : une personne en invoquant les fétiches peut jeter un sort à une autre personne. Etre perché à quatre ou cinq mètres du sol, c’est se rendre vulnérable, la meilleure manière donc de se protéger, c’est de se cacher via l’utilisation de masques ou de changements d’habits.

Pratique de la danse Tchébé
On a évoqué au début que la danse Tchébé ne se résumait pas à la pratique des échasses. C’est un ensemble composé d’échassiers, bien sur mais également de danseurs / danseuses au sol et de musiciens.
Pour l’entraînement, tout le monde ne répète pas ensemble. Les échassiers s’entraînent d’un côté, les musiciens, les danseuses de l’autre : la danse des femmes se fait à la maison. L’échassier danse aussi à la maison (sans les échasses) pour connaître / faire connaître le rythme et les mouvements de la danse.
Le rythme de Tchébé, quant à lui, est spécifique. On ne le retrouve pas dans les autres danses d’Atakpamé (qui en compte en vingtaine) mais également dans les danses des ballets de Lomé. Au point que certains regrettent les dérives musicales des musiques de ballets.

Il faut bien comprendre que faire des échasses n’a véritablement de sens que si l’on tient compte de ce côté musical et dansé. On retrouve ceci dans beaucoup de traditions culturelles d’Afrique, c’est le cas notamment chez les Dogons, où un masque n’est pleinement un masque que s’il est en mouvement.
Dans la danse Tchébé, les mouvements sont donc d’abord appris au sol et en musique, on y rajoute ensuite de la hauteur. Si chacune des techniques est travaillée de manière séparée, la répétition de la danse proprement dite, c’est-à-dire réunissant toutes les composantes (danse au sol, échasses et musique), se fait en commun dans la forêt. La forêt est le lieu où les échasses ont été "découvertes", mais aussi un endroit secret, protéger du regard de la population.
Lors de la danse, une chanson, qui se répète de nombreuses fois, témoigne de la qualité exceptionnelle de l’échassier et de ses mystérieux pouvoirs - l’échassier est un homme qui ne tombe pas :
Afouma ooo Né wo Egui (bis)
Afouma oooo
Afouma Ka to N’lé ooo
Afouma oo Né wo Egui
Cette chanson est une métaphore. Afouma est le nom d’une fougère qui pousse sur les arbres, on la trouve toujours accroché au bois de l’arbre, elle ne pousse jamais à même le sol. L’échassier est tel cette plante, il reste accroché au bois de ses échasses et ne tombera jamais à terre.

De même la danse se termine par une figure en hommage aux fées qui ont "transmis" cette danse, l’échassier enlève une échasse une échasse et danse avec l’autre. Il représente ainsi les fées qui n’ont qu’un seul pied.

Si ces danses évoluent, ce n’est que progressivement car les occasions pour danser ne sont pas si nombreuses. Ceci pour deux raisons.
La première est que Tchébé n’est pas un spectacle mais avant tout une danse populaire, une danse de réjouissance qui se fait lorsqu’un événement social le "permet". C’est le cas de l’Odon Itsu, fête de l’igname, dont on a parlé plus haut. Toutefois cette conception tend à évoluer nous en reparlerons dans le dernier point.

La danse Tchébé va également se faire lorsque des personnalités importantes viennent dans la préfecture de l’Ogou, ou bien pour des défilés à Lomé. Mais plus que le spectacle qu’ils donnent, ces danseurs représentent surtout "la spécialité d’Atakpamé". Dans ce dernier cas, ils ne sont que des danseurs d’exhibition, et l’échasse y perd ici une partie de son sens puisqu’elle n’est pas placée dans le contexte où elle doit évoluer.

La seconde raison est que si la danse se fait lors de réjouissances et de festivités, ces moments se font plus rares car les conditions sociales des individus se détériorent. Il y a énormément de chômage, et les échassiers, qui ne sont pas des artistes, ont bien souvent pour préoccupation première de trouver un travail ou de gagner assez d’argent pour manger et nourrir leur famille. Jouer, danser pour le plaisir de danser n’est pas ce qu’il y a de primordial quand on a difficilement de quoi vivre.
Un des endroits où la danse Tchébé évolue le plus est lorsqu’elle est pratiquée par les danseurs de ballets de Lomé. Mail il existe une différence importante entre les deux. Car les uns font une danse qui tient plus du spectacle, les autres pratiquent une danse populaire liée à une tradition spirituelle forte. La différence est notable car pour certains, la danse Tchébé telle qu’elle est pratiquée à Atakpamé n’est qu’une danse populaire où les échassiers ne sont pas véritablement des danseurs. Il est vrai que les chorégraphies que l’on peut voir lors de cette danse ne tiennent pas d’une pratique culturelle au sens artistique du terme. Dans la danse Tchébé il y a beaucoup de "temps morts" pour les échassiers, par exemple. Chose qu’on ne retrouverait pas dans un spectacle car on travaillerait beaucoup sur la notion de rythme inhérente à la représentation.

Mais à l’inverse, les danseurs de ballets ne pratiquent pas véritablement la danse Tchébé car dans cette danse, il y a des chansons qui rendent fous - où ils se surpassent. Les échassiers de ballets ne seraient donc que des imitateurs "imparfaits", avec des évolutions en échasses plus limitées que les danseurs de Tchébé.

Il est important d’insister sur la valeur technique des échassiers. Les Ifè emploie un terme : Tché-Tchindé (littéralement : fais et cède moi la place). C’est un slogan de défi adressé à l’autre, qui peut se dire entre deux groupes de Tchébé, ou entre les échassiers d’un même groupe. Il s’agit alors pour les personnes de démontrer leur maîtrise et leur savoir-faire en dehors des figures traditionnelles de Tchébé. On dépasse alors le cadre de la restitution technique pour entrer dans une compétition, dans une joute technique qui invite inévitablement les gens à se surpasser...
Il faut donc considérer la danse Tchébé comme une pratique culturelle qui s’insère dans des traditions, des savoirs-faire issus d’un milieu populaire. Toutefois si certains dénoncent un certain manque de chorégraphie ou d’esthétisme ou de manque du sens de la mise en scène, c’est peut-être parce qu’il ne faut pas chercher cela en Tchébé. Il ne faut voir la danse que comme une pratique traditionnelle [12] avec des échassiers techniquement impressionnants, danse qui est également lié à un environnement, qui s’insère dans une religion.

Entraînement des échassiers

L’entraînement des échassiers est un apprentissage technique, il se fait sans musique.
A Atakpamé, il a lieu tous les mercredis et samedi vers 6h - 6h30 le matin pour une durée d’une à deux heures. Les échassiers ne bénéficient pas d’un terrain suffisamment vaste pour répéter, l’entraînement se fait donc pour l’instant dans une cour d’école - où l’aire pour évoluer n’est pas assez grande, ce qui peut aisément se comprendre car la hauteur des échasses demande une surface au sol en conséquence. Des demandes ont été faites auprès des instituions politiques pour bénéficier d’une véritable "aire d’entraînement" (Igbalè) mais ces demandes n’aboutissent pas pour l’instant. Il faut savoir qu’au-delà des problèmes de reconnaissance de pratique culturelle dans les villes, le Togo n’accorde aucun crédit au développement de la culture [13] . Chaque évolution, chaque projet au niveau local ne peut donc se réaliser que grâce à l’énergie des habitants, d’où les temps excessivement longs pour se doter de moyens d’apprentissage et de transmission de certaines pratiques culturelles. Les échasses sont un exemple, la musique en est un autre (faute d’instruments parfois), ou encore le théâtre, faute de gens compétents en nombre suffisant pour dispenser des cours.

L’apprentissage technique des échasses est une composante essentielle de la danse, car Tchébé est le lieu, le moment, où chacun peut montrer sa capacité technique, sa valeur - on retrouve ici cette notion de courage qui invite à se surpasser. La valeur technique des échassiers étant une donnée fondamentale, on comprend l’importance des temps de répétitions.
Les mouvements pratiqués dans la danse sont de deux types, les uns sont plus liés à une gestuelle, une manière de bouger le corps (que l’on retrouve dans les danses au sol), les autres sont purement techniques mais impressionnants : comme le fait de toucher les échasses avec la tête en se penchant en arrière (!). Si une telle figure se voit rarement en France, elle est d’autant plus remarquable que les togolais évoluent à quatre ou cinq mètres de hauteur (pour un mètre, un mètre cinquante en moyenne en France).
Il existait autrefois des échasses de six mètres, mais ces hauteurs ont apparemment disparues aujourd’hui.

L’échassier qui a les échasses les plus hautes est nommé Afifi. Afifi signifie le vent qui souffle ; quand l’échassier marche, les échasses tremblent, comme le vent qui souffle dans les arbres fait trembler les branches. Ce qui est d’autant plus vrai que les échasses sont hautes.
Un autre point démontre l’importance de cette acquisition technique. Alors qu’en France, il n’y a aucun nom donné aux figures que l’on réalise, pour les échassiers togolais, chaque mouvement est nommé.

- Tchichikpa
L’échassier bascule en arrière pour toucher son échasse avec la tête.

- Ayossi
recul / saut en avant

- Afa-dangni - littéralement : s’étirer le pied comme un plastique
Déplacement lent, pas étirés vers l’avant avec les fesses touchant l’échasse.

- Wantcha
L’échassier se tient sur place et tourne autour de lui-même avec une échasse fixe au sol, l’autre décrivant un cercle (tel un compas).

- Ina-Yiyo
L’échassier d’un seul coup soulève d’un seul coup une échasse pour la pointer vers le ciel.

- Fo-Tcha
Ce sont les foulées de l’échassier qui forme des demi-cercles avec les pieds qui se croisent en x.

- Ki-Djo
L’échassier s’accroupit.

- Edjirè
Deux échassiers montent sur trois échasses : chacun à un pied libre sur une échasse et un pied joint à celui de l’autre sur une autre échasse et ils se déplacent.

- Adjénakourou (littéralement : éléphant)
C’est une imitation de l’éléphant. L’échassier marche à quatre pattes (il faut quatre échasses) il est suivi d’un chasseur, qui mime le fait de chercher à le tuer.

- Akouda (littéralement : fée)
C’est une imitation des fées. Pour clôturer la danse des échassiers, l’un d’entre eux détache une échasse et reste sur un pied pour danser. Cette figure a pour but d’honorer les fées qui ont légué cette danse.
Cette figure est accompagnée d’une chanson :
Akouda djo Kédé djo
Akouda djo Kédé djo
où Akouda signifie "Fée" et Kédé djo, "danse en équilibre".

En ce qui concerne la fabrication des échasses, elles sont faites en raphia, qui est un bois très léger. Cet arbre, genre de palmier, donne la nervure centrale de sa "feuille" pour faire le montant de l’échasse - une fois la courbure rectifiée à l’aide de pierres posées dessus pendant qu’elle sèche. Les fibres tressées servent à faire la corde qui va entourer le pied et la jambe. Le bois ne se trouve pas sur place. On peut en trouver dans la préfecture de l’Ogou, à 7 km au sud d’Atakpamé (dans le village de Talo-Kofan) et dans la préfecture de Wawa aux environ de la ville de Badou, à 70 km d’Atakpamé. La fabrication d’une paire d’échasses entraîne donc un coût supplémentaire, celui du transport, que les gens ne peuvent pas toujours assumer financièrement.
Les seules protections utilisées sont des tissus, chaussettes et autres plaques en mousse pour protéger la jambe de l’enroulement de la corde. Inutile d’ajouter qu’ils ne portent pas de protections - de type genouillères.

Particularité de la pratique des échasses au Togo

On retrouve des échassiers dans de nombreux pays africains. Chez les Dogons au mali, où les échasses (tanga tanga) sont un élément de la famille des masques, et ne sortent traditionnellement qu’à l’occasion de cérémonies.
On les retrouve aussi dans le pays mandingue (Sénégal, Mali, Guinée) chez les Toma et les Dã de la forêt, les Konyãnké et les Kurãnko de l’Est où les masques à échasses (Nya-Dyã qui signifie esprit long) sont réputés pour leurs acrobaties. On en trouve également chez les Dan en Côte d’Ivoire, les Punu au Gabon, au Congo dans le Niari, ou encore au Ghana. Au Bénin, la danse sur échasses (Gagualo) a même laissé son nom à une variété de haricots plus haute que la moyenne. [14]

Les Ifè du Togo ne sont donc pas les seuls sur le continent à connaître et maîtriser cette technique. Beaucoup savent qu’il y a d’autres échassiers en Afrique, mais beaucoup également ne savent pas - ou ne savaient pas, il y a deux ans - qu’il en existe en France... et si l’on trouve des échassiers en France, "c’est parce qu’ils ont appris ce savoir-faire sur le sol africain".

Toutefois une des particularités des échassiers togolais est la hauteur d’évolution. Ils sont très fiers de leur pratique et conscients de la technique qu’ils ont acquis et des hauteurs inhabituelles auxquelles ils dansent. Cette fierté se ressent car beaucoup se jugent "au-dessus" des autres échassiers (dans tous les sens du terme). J’ai particulièrement ressenti cela à Datcha où évoluer avec des échasses qui faisaient moins de 2 mètres 50 ne semblait pas avoir beaucoup de sens. La photo de mes échasses d’1m30, utilisées en France les a fait rire : "c’est pour les enfants de 10 ans !"

La particularité des échassiers togolais n’est pas seulement due à cette hauteur d’évolution. En effet, il existe également une certaine spécificité quant à l’utilisation qui en est faite. Pour bien la comprendre, il faut envisager les différentes manières dont on peut utiliser les échasses. Lors de mes rencontres avec les échassiers dans différents voyages, j’ai répertorié quatre fonctions des échasses.
L’échasse comme jeu.
Jeu d’enfant par exemple que l’on retrouve à certains endroits de la cordillère des Andes en Amérique du Sud mais aussi au Maroc ou même en France. Ces jeux peuvent être de simples prouesses d’équilibre mais aussi des courses ou des "affrontements". La hauteur n’est en général pas très élevée - quelques dizaines de centimètres au dessus du sol. Ils tendent toutefois à disparaître. (croquis des échasses à bras)
L’échasse comme outil.

Si le but recherché est le même (faire une tâche qui nécessite de la hauteur), les travaux peuvent varier. On les trouvait dans les Landes pour la surveillance des troupeaux de moutons, mais aussi de nos jours pour la cueillette des fruits au Maroc, par exemple. Les plâtriers les utilisent également en France ou aux Etats Unis - ce qui évite les montées et descentes de l’échelle...

L’échasse comme symbole.
Chez les Dogons, elles font partie de la famille des maques et sont des objets rituels. A ce titre elles ont une très forte valeur symbolique. Elles sont utilisées dans des cérémonies (cérémonies funéraires, sigui...) où elles servent notamment d’intermédiaire entre le monde des vivants et le monde des vivants. Lors d’une cérémonie funéraire, par exemple, le masque à échasses étant le plus haut, il est le mieux placé pour évacuer à jamais la mort.
Pour les Dogons, les masques représentent l’ordre du monde. Il faut toutefois remarquer que loin d’être immuable, ce système s’adapte en fonction des échanges culturels. Ainsi on peut trouver des masques de policiers, de touristes ou d’ethnologues témoignant de la présence et de l’intégration de ces personnages dans ce système du monde. D’autres masques, qui représentent des éléments qui tombent en désuétude, disparaissent. Les échasses ne sont qu’un élément de ce système.

L’échasse comme pratique festive.

Cela peut prendre deux formes.
Dans la première les échasses servent pour danser (dans les landes en France, dans le Nord de l’Espagne...).

Dans la seconde, elles sont costume, technique de spectacle et viennent créer de nouveaux personnages par l’allongement des jambes (sans fonction symbolique particulière comme précédemment). Cette utilisation est très répandue dans le monde grâce aux compagnies de théâtre de rue qui l’utilisent en spectacle. Les traces sont nombreuses : de l’Asie à l’Amérique du Sud en passant naturellement par l’Europe.

L’utilisation des échasses n’est pas assignée à telle ou telle catégorie, il peut y avoir un mélange des deux comme c’est le cas pour les Landais par exemple où, à la fonction utile, il faut y ajouter les danses - qui ont dérivé en pratique folklorique depuis : ces danses ne sont plus faites qu’à certaines occasions où l’on valorise un patrimoine culturel issu de la tradition, les échasses n’étant plus utilisées par les bergers.

Chez les Ifè du Togo, la fonction des échasses est avant tout festive. Même si leur origine est bien sur liée au vaudou, les échasses sont faites pour danser, et ne sont pas d’abord pensées comme un lien avec le monde des esprits.

A cette dimension festive s’ajoute la notion de courage ; c’est-à-dire qu’à travers la danse une place essentielle est accordée à la technique.

Si on peut trouver cette dimension technique et festive dans d’autres ethnies ou d’autres civilisations, elle n’est jamais mise en avant à ce point mais bien souvent subordonnée à une autre fonction. Ailleurs, le fait d’avoir des échasses très hautes ou de réaliser des techniques particulières va être un choix chorégraphique ou esthétique (en créant un personnage très haut pour un spectacle par exemple), ou bien subordonné à une fonction symbolique chez d’autres ethnies africaines. A Atakpamé, la valeur technique et festive semble primordiale, fait que je n’avais jamais rencontré auparavant.
L’évolution de la danse Tchébé et de la pratique des échasses

Si cette pratique des échasses est étonnante, elle n’est toutefois pas sans évolution. Au sein même du pays, comme on l’a vu précédemment, il existe une différence entre la danse Tchébé telle qu’elle est pratiquée à Atakpamé et celle pratiquée par les danseurs de ballets à Lomé. Même si la pratique des échasses dans les ballets s’est répandue grâce aux Ifè, la différence de pratique entre la danse de ballet et la danse d’Atakpamé est notable. Les danses de ballets tendent vers les danses de spectacles, telles que nous avons le comprenons en France. C’est-à-dire qu’elles sont plus chorégraphiés, les rythmes sont souvent même remaniés. Il y a également une distanciation de la part de jeunes danseurs où les échasses deviennent beaucoup plus une pratique artistique, et non plus une tradition à perpétuer. C’est une évolution normale puisque les danseurs de ballets sont professionnels ou tendent à l’être dans la mesure où ils cherchent à vivre de leur art. L’apport de ces ballets est indéniable, ils contribuent à faire évoluer les danses. Toutefois, ils évoluent au détriment des danseurs Tchébé d’Atakpamé qui eux ne peuvent pas envisager d’être professionnels car ils ne sont pas reconnus sinon comme une simple image folklorique lors des défilés (comme pour la commémoration du 13 Janvier à Lomé par exemple). Il y a donc une évolution souhaitable mais elle se fait en se coupant parfois des racines.
Cette distanciation d’avec l’origine des échasses a un effet pervers. En effet, mettre la danse Tchébé au répertoire des danses du ballet, devient un argument de vente mais que dire lorsque Tchébé n’est pas respectée comme le souhaiteraient les échassiers d’Atakpamé. Il ne peut que contribuer à élargir le fossé qu’il y a entre les échassiers de Lomé et ceux d’Atakpamé.

De plus, c’est aussi pour beaucoup de personnes, une possibilité de billet d’avion pour l’Europe, chose plus négative si les danses ne représentent plus que ça... La culture ne doit pas être subordonnée à une valeur marchande - thèse largement discutée ces derniers temps dans un tout autre contexte (la crise des intermittents du spectacle en France).
Ce sujet a été abordé lors d’une rencontre avec les différents responsables de groupes de danses de la ville d’Atakpamé. Tous semblaient le reconnaître et admettre que la culture doit être un plaisir et une valeur à transmettre mais le sujet est délicat quand on sait que certaines personnes n’ont pas de travail. Le temps qu’ils consacrent à la danse et à l’entraînement doit donc être gratifiant financièrement, ce qui peut entraîner des dérives ou même des pertes du patrimoine culturel à très court terme, lorsqu’on sait que ce pays n’a aucune politique culturelle et que le Togo n’est pas un pays touristique.

Les échassiers d’Atakpamé souhaitent également faire évoluer leur danse, mais aussi, plus simplement perpétuer cette pratique. Car les choses ne sont pas faciles. On a vu que les échassiers d’Atakpamé ne peuvent pas envisager vivre de leur art, ils ont également des problèmes pour s’entraîner (manque de terrain, coût d’une paire d’échasses...). Lors de ma dernière venue, en février 2004, le groupe d’échassiers tendait à disparaître, faute de moyens matériel et financier mais aussi de reconnaissance. En effet, les échassiers ont très peu de l’occasion de danser hors de la ville d’Atakpamé, sinon pour les défilés du président à Lomé - comme on l’a vu plus haut.

Beaucoup au Togo n’ont jamais vu la danse Tchébé. Ceux qui la connaissent sont donc en très grosse majorité les habitants d’Atakpamé ou des villes environnantes, c’est-à-dire un "public" habitué à les voir, qui ne va donc pas s’extasier sur des pratiques pourtant très impressionnantes. Sans ce renouvellement de "spectateurs", il y a de moins en moins de reconnaissance et les échassiers se démotivent très vite pour continuer à s’entraîner. Car si Tchébé est une épreuve de courage, c’est aussi une "exhibition". Le fait que les blancs viennent s’intéresser à leur pratique et à leur technique a été un des points qui a contribué à restructurer l’association d’échassiers.

Les occasions de danser se font de plus en plus rares, hormis la fête de l’igname, il y a peu de moments où les échassiers sortent. Les tentatives pour danser plus souvent sont louables - car elles participent de la possibilité des échassiers de vivre de leur art et aussi de la valorisation de leur pratique culturelle. Un des souhaits des échassiers d’Atakpamé, outre le fait de venir se produire en France, est de faire venir les touristes (qui vont laisser de l’argent) pour leur faire (re)découvrir cette danse. Ainsi la reconnaissance évoquée plus haut est entretenue, et les touristes en payant pour voir les danse, contribuent à améliorer les conditions économiques des groupes de danseurs. Cependant la tâche n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît car le Togo est un pays peu touristique et les occasions de développer les danses pour les touristes sont quasi inexistantes pour l’instant.

Il y a toutefois un réel danger à pratiquer des danses à l’intention unique des touristes. Le cas est clairement apparu chez les Dogons du Mali où l’on créait des "danses pour touristes" qui se donnaient l’air de vraies danses mais qui n’avait en fait rien d’authentiques. Les Dogons donnant à voir aux touristes ce qu’ils voulaient voir. Les danseurs se mettaient donc pieds nus, enlevaient tout ce qui ne faisait pas traditionnels tels que montres ou bracelets, enfilaient les pagnes au profit de pantalon... gestes qu’ils ne faisaient pas lorsqu’ils dansaient pour eux. Les prestations ne duraient bien généralement que le temps des prendre des photos, durée assez longe pour des touristes en mal d’authenticité. Ce développement a contribué à améliorer les conditions de vie de certains Dogons, c’est indéniable, mais elle a conduit également à figer une population dans la tradition, à l’enfermer dans ce que certains touristes (aidés des agences de voyages et magazines) considèrent comme traditionnel.

Une autre conséquence est d’avoir contribué à installer un circuit que vont prendre les touristes pour visiter le pays Dogon, circuit qui va grosso modo de Sangha à Djiguibombo en suivant le bas de la falaise. Les villages qui ne sont pas situés sur ce parcours ne profitent donc pas directement de l’argent laissé par les touristes, ce qui entraîne des tensions liées aux différences d’évolution des villages (installation en puits, panneaux solaires...).

Plusieurs personnes rencontrées à Atakapmé cherchent conseil sur la manière dont ils pourraient faire évoluer leurs danses. Beaucoup sont prêts à les faire évoluer comme pourrait le souhaiter le blanc. Mais au-delà de l’apparence vestimentaire, ces personnes sont aussi prêtes à modifier la musique, la manière de danser... Entrer dans ce jeu, c’est contribuer à dévaloriser leur culture et accélérer la perte d’une identité ou d’une pratique culturelle. L’évolution n’est pas exempte d’échange de savoirs ou d’idées, de points de vue mais elle appartient avant tout à ceux qui pratiquent - et l’œil du touriste (et plus largement du blanc) dans ce cas peut avoir des effets néfastes.
Il existe cependant des voies qui sont à creuser et qui prennent source dans des initiatives menées également en Afrique de l’Ouest. Deux exemples, tirées d’expériences au Mali sont intéressants.

Le premier fait suite à l’expérience des danses pour touristes en pays Dogon, abordée plus haut. Pour intégrer ces danses à la culture locale, le choix a été fait d’organiser des "festivals de masques" - le premier a eu lieu en 2000 à Pelou. Ces festivals ne sont pas de véritables cérémonies, mais ils se distinguent des danses pour touristes dans le sens où ils ne sont pas complètement superficiels. Le temps accordé à ces danses par exemple, est plus proche du rassemblement lors de rituels que des 20 mn réglementaires pour les touristes, les habits de danseurs sont laissés au libre choix de chacun et non pas imposé par des images que recherchent les blancs, les danses sont moins artificielles et plus spontanées...
Une chose important aussi, est de ne pas couper touristes et population lors de ces représentations
La marque la plus évidente de cette réussite en pays Dogon est que la population vient prendre part à la manifestation, chose qui ne se passait pas lors des danses pour touristes. En recréant un contexte qui n’est pas une cérémonie mais parfois proche du rituel toutefois, ces festivals rendent fragiles la frontière entre profane et sacré et contribuent à perpétuer une tradition culturelle, en la faisant évoluer. L’aspect intéressant est d’avoir su créer un événement qui appartienne aux Dogons (et non aux agences de voyages) en incluant une dimension touristique permettant le développement et l’échange. Il faut en effet, chercher à lier populations locales et touristes et permettre aux habitants de s’approprier la manifestation, non seulement en dansant mais aussi en organisant et en y participant. Pouvoir se réapproprier, réadapter des danses qui ne sont plus beaucoup pratiquées est le signe d’une vitalité culturelle importante.

Le second exemple est celui du Festival au désert, organisée depuis 2001 dans la zone saharienne du Mali. Cet exemple est différent car il n’est pas lié à la base à un rituel religieux, mais peut plutôt se définir comme un "simple" rassemblement culturel. Le but est de revivre un rassemblement nomade dans cette zone du Sahara, non pas réservé aux seuls Kel Tamasheq (Touregs), mais élargi à tout le pays, voire au monde entier. Ce pari, initié par une association tamashek et le groupe de musique Lo’Jo en France notamment, est une réussite. Le festival en est à sa troisième édition et propose une programmation éclectique et de très haute qualité [15] . C’est une réussite culturelle dans tous les sens du terme. Tout d’abord sur le plan de la diversité artistique et de la qualité musicale, propice à l’échange. Ensuite dans le sens où ce festival renouvelle une tradition de grands rassemblements touaregs qui s’étaient perdue, suite aux sécheresses puis aux rebellions touaregs.
Ces deux exemples sont des outils de réflexions pour que se perpétue certaines traditions Ifè, et notamment la danse Tchébé. Elles sont propices à un développement culturel plutôt sain, et contribue à la reconnaissance des acteurs locaux.
Un tel développement est soumis toutefois à une prise de position sur l’identité culturelle. Lors des différents séjours, on trouvait deux manières de penser qui s’affrontaient. Les uns préservaient l’identité culturelle à tout prix : dévoiler le moins d’informations possibles et ne pas trop en faire voir - d’autant que la culture vaudou renferme certains secrets. Certains également cherchent à entretenir un côté mystique de l’échasse, surtout vis-à-vis du blanc qui cherche à comprendre leur monde. On pouvait ainsi entendre qu’on ne devenait pas échassier, mais qu’il fallait naître échassier... ce ne qui cadrait pas avec la majorité des témoignages recueillis. Sans doute voulait-ils se valoriser et "épater" le yowo, puisque eux-même étaient échassiers, peut-être voulaient-ils faire entendre au blanc ce qu’il était venu chercher [16] .

Les autres défendaient l’échange et l’ouverture culturelle au risque de contribuer à modifier la manière dont on perçoit la danse Tchébé, ce qui peut à long terme modifier également sa pratique.

Dans un futur proche...

En Février 2004, un échange entre l’association française Tempo’Jeunes et l’association togolaise Kagbéma a donné naissance à une semaine culturelle. Cet échange a été l’occasion de réaliser un spectacle avec des jeunes français et des jeunes togolais, de monter un reportage vidéo sur la pratique des échasses à Atakpamé mais aussi d’organiser un débat sur l’avenir des pratiques culturelles à Atakpamé avec de nombreux responsables de danses. Cette semaine a commencé par une démonstration de cinq des danses d’Atakpamé : Tchébé bien sûr, mais aussi Atinguali, Agbadja, Gandjin et Kadjogbénèdontoutou. Un tel rassemblement où il y avait autant de danses, mais aussi un nombre important de la population à y prendre part, n’avait pas eu lieu depuis très longtemps. L’initiative, lancée par l’association Kagbéma et son président Georges NAGBE, a été fédératrice - en ce sens c’est une véritable réussite.
L’association, malgré les problèmes que pose ce type d’organisation les moyens financiers sont très limités, réfléchit sur les moyens de prolonger cette action culturelle, de perpétuer les danses traditionnelles en favorisant leur évolution, et enfin d’encourager le développement touristique.
Il se passe au Togo, quelque chose d’important au niveau de la pratique des échasses qu’il me semble important de découvrir - ou de faire découvrir. Il ne faut pas simplement voir les danseurs comme un groupe folklorique - ce qui se fait beaucoup en France et qui me semble un peu réducteur, mais bien mesurer que les danses traditionnelles sont un héritage culturel fort qui risque de disparaître si les individus, les groupes n’ont pas les moyens d’accéder à une reconnaissance, s’ils n’ont pas la capacité de transmettre leur savoir afin qu’il évolue et qu’il ne meurt pas de s’être figé dans un discours passéiste.
Ce qui passe dans un premier temps par un encouragement de ces différentes pratiques pour ensuite favoriser l’échange. Et j’invite ici les échassiers du monde entier à aller faire un tour à Atakpamé, histoire d’apprendre...

Emmanuel Lambert

Bibliographie :

DOQUET, Anne, Les masques dogons.

FRANÇOIS Yvonne, Le Togo, Karthala,1993.

AFFALA, Fandoumi , Pour découvrir les Ifè d’Atakpamé, 3e édition à compte personnel.

Ouvrage collectif, dirigé par Michel Le Bris (Abbaye de Daoulas),Vaudou, Hoëbeke, 2003
Ouvrage collectif,.Au cœur des collines, Atakpamé, Anjca éditeur, 1995

Ouvrage collectif, dirigé par Bedaux et Van Der Waals, Tourisme et identités in Regards sur les Dogon au Mali, Sneck, 2003

Remerciements :

Merci à François Gaudeau, directeur du CCF de Lomé en 2003, et Philippe Debrion, son successeur.
Merci aux danseurs-échassiers du ballet Balafon, à Ali Koffi dit Galégo, ancien président des échassiers d’Atakpamé, à Midawé Ahloko, président des échassiers de Datcha, aux échassiers de ces 2 villes.

Merci tout particulièrement à Yao Dagbé, actuel président de l’association des échassiers d’Atakpamé.
Merci à Laurent, Innocent et Maximilienne de l’association Kagbéma.

Et à deux personnes sans qui rien de cela n’existerait : Georges Nagbe "préfet national" à Atakpamé (et président de Kagbéma) et Kossi Akpovi, conteur et joueur de kora à Lomé et à travers le monde, je leur adresse toute mon amitié.
Merci à tous ceux qui m’ont accompagné en voyage : Sylviane et les jeunes de Tempo’Jeunes, à David qui m’a donné un jour l’envie de partir, à Catherine une première découverte de l’Afrique de l’Ouest, à Mohamed Koura pour le temps passé avec lui et tout particulièrement Réjane pour ce bout de Togo

Cet article est à mettre en relation avec une vidéo réalisée sur la pratique des échasses : "la danse Tchébé comme pratique culturelle". Cette vidéo explore la développement culturel au Togo à travers la danse Tchébé, ainsi que les perspectives d’évolution de la culture populaire. Chacun de ces deux supports se complétant.
Ils font tout deux partie d’une étude plus vaste sur la pratique des échasses en Afrique.
Pour tous contacts :
Cie Bulles de Zinc (Cie de théâtre de rue), bullesdezinc yahoo.fr
Emmanuel Lambert, manuzag yahoo.fr, 02.41.73.06.96

 

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Notes

[1] L’ Ifè est la langue vernaculaire parlée à Atakpamé. Pour désigner "l’échassier", en tant qu’individu, on y rajoute son nom.

[2] L’igname est un tubercule, base de l’alimentation des Ifè. Beaucoup de fêtes célèbrent l’activité agricole car la population Ifè est une population dont la principale ressource est l’agriculture.

[3] Attention, le terme de mythe employé ici m’appartient complètement ; pour les échassiers interrogés, il ne s’agit pas d’un mythe mais de l’histoire réelle de l’apparition des échasses.

[4] Cité dans "le panthéon dahoméen" in Vaudou, ouvrage dirigé par Michel Le bris. A Atakpamé, le Dieu créateur et suprême se nomme Boukou.

[5] Une autre version remplace les fées par des animaux, je me ferais expliquer par la suite que les deux peuvent se confondre dans la cosmogonie Ifè, certains animaux, étant pour les Ifè des dieux ou des demi-dieux.

[6] Pour découvrir les Ifè d’Atakpamé, p.20

[7] Pour découvrir les Ifè d’Atakpamé, p.21

[8] Il y a beaucoup de gens qui pratiquent le catholicisme, mais ce n’est pas pour autant qu’ils abandonnent les pratiques animistes et le vaudou. Le respect des ancêtres, les offrandes aux fétiches, etc... s’accordent très bien avec la pratique du catholicisme. Ce qui fait que l’on trouve beaucoup de gens qui pratiquent les deux religions.
Il faut noter également un fort pouvoir syncrétique du vaudou, ce qui fait qu’il n’est pas rare de trouver des éléments liés au catholicisme dans la religion vaudou - ceci est particulièrement flagrant en Haïti, où il y a eu une campagne de persécution envers les pratiquants du culte vaudou au profit du catholicisme, ce qui a amené à une "fusion" des éléments de ces deux religions.

[9] Les togolais utilisent plutôt le terme menstrues.

[10] Un jour, on me dira qu’il y a des femmes qui pratiquent les échasses. Difficile à savoir, les échassiers sont masqués. Alors mythe ou réalité ?

[11] Il n’y a qu’une seule association d’échassiers à Atakpamé. Il existait auparavant deux groupes (un dans le quartier Djama et dans le quartier Gnagna qui sont deux quartiers parmi les plus vieux, les "noyaux" de la ville). Ces deux groupes ont été réunis par l’association Kagbéma, l’association a depuis 2003, M. DAGBE comme président.
Cette association fait partie des six groupes d’échassiers existant dans la préfecture de l’Ogou.

[12] Attention au sens du mot traditionnel, il n’a ici rien de dévalorisant, et il ne doit pas être pris au sens de danse folklorique qui a une mauvaise connotation.

[13] à la différence de son voisin le Burkina-Faso par exemple.

[14] Les pays évoqués ici sont ceux d’Afrique de l’Ouest, mais on retrouve également des échasses dans d’autres endroits du continent - dans les pays du Maghreb notamment.
Plus largement, on trouve dans échassiers dans le monde entier : en Amérique du Sud (les zanqueros d’Equateur, de Bolivie...), en Asie (à Taïwan, en Chine...), en Océanie (îles marquises), en Europe (Espagne, France, Belgique...).

[15] Programmation 2003 (le festival change de lieu chaque année, il a eu lieu cette année là à Essakane) : TakambaSuper Onze (Mali), AfelBocoum (mali), Tartit (Mali), Ali Farka Touré (Mali), Lo’jo et Django (France), OumouSangaré (Mali), Tinariwen (mali), Adama Yalomba (Mali), Ludovicq Einaudi et Ballaké Sissoko (Italie-Malie), Kel Tin Lokiene (Mali), Kwal et Foy Foy (France-Mali), Tidawt(Niger),Robert Plant et Justin Adams (UK), Sedoum ehl aïda (mauritanie), Tindé (Mali), Aïcha Bint Chighaly (Mauritanie), Igbayen (Mali), Baba Salah (Mali), Blackfire (Navajo)

[16] La relation au blanc, à l’occidental, est assez particulière. Beaucoup de blancs viennent avec une idée en tête, une image de l’Afrique (très souvent liées à un côté traditionnel ou mystique) qu’ils viennent rechercher... et que, bien sûr, les locaux se chargent de leur donner à voir ou entendre. Toutefois aux touristes en mal d’authenticité, je leur dirai de prendre garde à la manière dont ils voyagent. Combien viennent voir en Afrique ce qui est authentique, traditionnel ? Combien ajoutent : "eux au moins, ils ont su garder les vrais valeurs..."
Si certains continuent d’entretenir des traditions par choix, d’autres ont envie de les voir évoluer, d’autres encore sont prêts à tout abandonner pour partir en France ou en Amérique.
Un tel discours les enferme donc. Les sociétés africaines évoluent et regretter qu’un jeune porte des baskets lors d’une danse ou qu’une femme mette un pantalon au lieu du traditionnel boubou conduit à fabriquer de l’authenticité. A tous ces gens je demande combien portent encore la coiffe bretonne ou le béret basque, combien pratiquent les danses traditionnelles de leur région...
Il faut se méfier des discours et des arguments de vente de beaucoup d’agences de voyages. Savoir apprécier les danses et la culture en général telles qu’elles sont faites habituellement. Laisser les danseurs évoluer en basket parce que l’authentique à l’heure d’aujourd’hui c’est aussi ça....

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