Le calvaire d’un peuple assoiffé de démocratie
par Abdel Gbaré Djamiou , le 19 juin 2004, publié sur ufctogo.comAux affaires depuis 1967, et soutenus par une armée pléthorique et familiale, Eyadema et ses nombreux courtisans, dirigent le Togo au gré de leurs désirs. Pris en étau par un régime monarcho-despotique, le vaillant peuple togolais a, durant près de quatre décennies, toutes les peines de ce monde pour s’épanouir. En dépit évidemment de ses nombreuses potentialités.
C’est avec le slogan « la force au bout du canon » que le pouvoir RPT et sa branche armée, (les FAT), gèrent les affaires de la cité. Dans les sphères du régime dictatorial, lorsqu’on dispose d’une parcelle de responsabilité, on en use pour brimer, humilier et réduire au silence les innocents, voire les faibles.
Pour se construire, un pays, quel qu’il soit, a toujours besoin de la contribution de tous ses fils. Mais cette leçon n’est pas comprise par Eyadema et sa cour reconnus, de par le monde, comme un pouvoir carriériste, corrompu et prêt à user de tous les moyens pour demeurer à la barre. C’est ainsi que pour des faits réels ou inventés, la soldatesque du régime Eyadema stipendié, fait arrêter arbitrairement des citoyens togolais connus (Daniel Koffi Aganon, Vincent Godevi, Georges Damessi,Ayi Hillah, Mazama Katassa Boboli Puanamnéwé) anonymes pour les torturer et/ou les assassiner.
Les cas d’élimination physique sont légion depuis la prise en main du pouvoir par le sanguinaire Eyadema. Des victimes, son impitoyable machine à broyer en a faites. De valeureux citoyens à l’image de Paul Comlan, Gaston Gnéhou (beau-frère du tyran, malgré lui), Osseyi, Laurent Djagba, Koffi Kongo, Tchama, Eugène Koffi Tépé, Vincent Tokofaï et autres ont ainsi perdu la vie. Le dictateur Eyadema et sa bande de laudateurs n’ont aucun respect pour la vie humaine. L’exemple palpable du député Gaston Edeh (du CAR de Yaovi Agboyibo) illustre bien cette affirmation. Fraîchement élu à l’Assemblée nationale aux termes des législatives de 1994, il a été arrêté et assassiné en plein jour. Les restes de son véhicule incendié et de son cadavre carbonisé totalement méconnaissable seront plus tard retrouvés dans les environs de Lomé 2. Sans aucune enquête ne soit diligentée pour connaître le mobile de ce crime crapuleux. Bien avant cette bavure sadique et cynique des hommes à la solde du Lomé 2, depuis mai 1992, les enquêtes de la FIDH sur l’attentat de Soudou contre le convoi de Gilchrist Olympio, leader de l’UFC, ont été étouffées. Le diplomate Ahlonko David Bruce, appréhendé en septembre 1994, à une heure de grande affluence non loin de l’Etat-major des FAT à Agoè-Nyivé (Lomé), n’a jamais regagné sa famille... Depuis, que sait-on de plus sur l’ignoble assassinat de Tavio Ayao Amorin, leader du PSP (Parti Socialiste Panafricain), flingué en juillet 1992, par les soldats Kossi Karewe et Boukpessi Yodolou ? Evacué d’urgence sur la France, le jeune et intrépide opposant a succombé à ses blessures. Même si, jusqu’à ce jour, les causes de cette énième ignominie n’ont jamais été élucidées, le peuple togolais, lui, connaît ses véritables commanditaires.
Petit pays qu’est le Togo, sa partie septentrionale vit les pires atrocités du pouvoir clanique qu’incarne Eyadema. Le colonel Ernest Gnassingbé, fils aîné du prédateur et piètre commandant de la garnison du Camp Landja, a fait de Kara, chef-lieu de la Kozah, sa chasse gardée. Au gré de son humeur, il fait arrêter, torturer et liquider des innocents catalogués comme ses détracteurs ou des citoyens qui ont rejeté de porter l’étiquette RPT. C’est ainsi qu’après plus de quinze mois passés en prison dans les conditions les plus humiliantes (brimades, tortures et bastonnades quotidiennes), Marc Palanga, responsable fédéral de l’UFC Kozah, a été libéré le 20 mai dernier. Le « délit » de ce citoyen est d’être Kabyè (l’ethnie du tyran) mais d’aspirer au changement du système politique au Togo. Un autre ressortissant de la région natale du vieux dictateur et membre influent de l’UFC, le docteur Amah Gnassingbé, président de l’Association togolaise pour la promotion des inventions, innovations et de la création (ATOPIIC), a été, dans le passé, victime de la foudre du système RPT. Le 13 décembre 1992, il fut enlevé puis relâché après passage à tabac. Il était reproché à cet éminent biologiste d’avoir témoigné contre le satrape au cours de la Conférence Nationale Souveraine de juillet/août 1991. Au lendemain du hold-up électoral de juin 1998 réalisé par Eyadema, plus précisément le 16 août 1998, dans la matinée, les domiciles de trois responsables de l’UFC dont Amah Gnassingbé (2e vice-président de ce parti) ont été attaqués à la roquette et à la mitraillette lourde. Plusieurs témoins, à l’époque, ont désigné les auteurs de ces barbaries qui n’étaient autre que des éléments des forces du désordre. D’ailleurs, les armes utilisées par ces hommes en mission commandée pour commettre leur bassesse confirment cette thèse.
En octobre 2002, il faut aussi le rappeler, des agents de Togo Electricité ont été contraints de marcher à genoux afin de se rendre au Camp Landja. Sur convocation du sinistre Ernest Gnassingbé, le maître des lieux. Accusés de sabotage suite à une panne d’électricité constatée sur toute la ville de Kara durant la nuit du dimanche 13 au lundi 14 octobre, ils ont été humiliés par les hommes du « Prince ». Ces agents étaient soupçonnés d’être des fauteurs de troubles. (Lire sur www.letogolais.com/article.html ?nid=450 du 29 octobre 2002 et également l’article de Marius Amouzou publié le 4 juin 2004 sur Togoforum, toujours à propos de la violation des droits de l’Homme par Eyadema et ses acolytes). Certains agents qui avaient manifesté leur désaccord suite à ce calvaire ont reçu des menaces et connu des représailles... Ceux-là qui ont osé lever le ton, ont été purement et simplement affectés. Il y a eu certains qui se sont retrouvés loin, très loin des lieux où ils travaillaient auparavant. Ces affectations injustifiables représentent l’une des multiples mesures antidémocratiques que le RPT a toujours utilisées pour « punir » les citoyens qui ne veulent pas marquer le pas ou tout simplement rentrer dans ses rangs.
Parmi tous ces cas énumérés, figure celui de la nommée Odile Amla, du service nettoyage, au sein de ladite société à Kara. Au sein de son équipe et surtout durant des discussions entre collègues, ses prises de position et autres critiques virulentes dénonçant les méthodes rétrogrades du RPT ont fait d’elle « une militante (de l’opposition) à avoir à l’œil ». Elle est taxée d’être proche, tout comme son mari Efoé Messan Kougbadjee, de l’Union des Forces de Changement (UFC) de Gilchrist Olympio, un parti qui a toujours été diabolisé par les tenants de l’ordre ancien. Au point qu’en décembre 2002 , Efoé qui exerçait la profession de géomètre a été retrouvé mort dans la rue, à côté de sa moto, au lendemain de ses démêlées avec un militaire... Tout cela découlerait, sans nul doute, de la sympathie manifestée par ce jeune couple pour les partis de l’opposition démocratique en lutte pour l’avènement d’un changement politique au Togo. Surtout pour celui de « Détia ». Ainsi donc acculée, et sans aucun soutien, Odile Amla, craignant surtout pour sa vie, n’avait qu’un seul choix. Quitter précipitamment la région pour rentrer à Lomé. Mais comme très souvent un malheur n’arrive jamais seul, dame Odile, quelques temps après les obsèques de son époux à eu subir des menaces et autres intimidations. De la part d’une employée de la municipalité de Lomé, activiste du RPT bien connue dans les marchés de la zone dont elle a la charge. Se sentant encore une fois victime de l’arbitraire, dame Odile ne s’est pas laissée piétiner par cette fonctionnaire véreuse. Et très vite, ce jour-là, leur discussion pour la tarification injustifiée de son étalage est devenue plus que houleuse. C’est de là que l’employée municipale, non contente de se voir insultée en public, a commencé par proférer à son encontre toutes sortes de menaces. Tout simplement parce qu’elle a refusée d’être régulièrement arnaquée... L’addition de ces menaces réelles et intimidations a fait que Odile Amla, n’en pouvant plus, s’est retrouvée dans l’obligation d’entrer en clandestinité pour sauver sa peau et celle de sa petite fille de deux ans et demi... En attendant que la véritable démocratie pour laquelle le peuple togolais, avide de justice et de liberté, mais réduit au silence par les hors-la-loi qui prétendent le diriger, continue de payer un lourd tribut par son sang qu’il verse face à leurs exactions.
Ainsi se résume le quotidien kafkaïen auquel les togolais sont victimes de la part d’un régime, plus soucieux de perdurer au pouvoir que de se préoccuper de leur sort. Durant plusieurs années, ce régime répressif a toujours posé des actes, non seulement pleins de contradiction, mais qui choquent le plus souvent. Après plus de trente ans de régime d’exception, Eyadema, ayant donné l’air d’ouvrir le Togo à la démocratie tout au début des années 1990, continue par mettre en déroute l’avenir de ce vaillant peuple. Les pratiques moyennâgeuses de son régime n’ont-elles pas soulevé l’ire de la communauté internationale ? A cause de son déficit démocratique, le régime Eyadema est privé d’aide de l’Union européenne depuis 1993. La raison ? Le dinosaure de Lomé 2 et ses sbires n’ont cessé d’abuser de leur pouvoir, en muselant la liberté d’expression. Pendant que ceux qui ont toujours accepté de voir dans la même direction, celle du régime RPT, sont des intouchables et se pavanent allégrement, en toute impunité, les petites gens sont étouffées, écrasées pour des faits réels ou supposés.
La démocratie est en danger au Togo où les droits de l’Homme malgré tout le folklore qu’on fait autour, ne sont guère respectés. Le disque du pouvoir RPT est rayé, usé. Pour avoir émis, et pour trop longtemps, le même et unique son, il est devenu, inaudible. Mieux, démodé. Mais, sur fond de corruption, Eyadema et ses hommes de main veulent à tout prix, rester aux affaires, tout en ayant plus rien à prouver.
Abdel Gbaré Djamiou
Lomé, le 19 juin 2004
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