Interview exclusive

Patrick Lawson : « Ce que nous avons entendu au sortir de la réunion du 17 février, ne reflète en rien la réalité des débats »

par Liberté Hebdo (Togo) , le 24 février 2009, publié sur ufctogo.com

Le premier vice-président de l’Union des forces de changement (UFC), Patrick Lawson, se prononce sur les discussions au sein du Cadre permanent du dialogue et de concertation (CPDC). Dans cette interview, il revient sur la séance du mardi 17 février qui a abouti à la suspension des travaux, la question de la facilitation et expose les préoccupations de son parti en ce qui concerne les réformes politiques. Il affirme en outre que son parti n’a jamais rencontré le chef de l’Etat depuis le démarrage des travaux du CPDC. « Nous sommes un peu surpris. Nous avons pris contact également avec nos collègues du CAR qui ne semblent pas être informés aussi d’une telle rencontre. C’est vous dire que nous travaillons dans une certaine ambivalence aujourd’hui qui pourrait nuire au résultat de nos travaux », déclare-t-il. Lisez plutôt.

 

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Patrick Lawson
Premier vice-président de l’Union des forces de changement (UFC) et Député à l’Assemblée Nationale

Liberte Hebdo : Monsieur le Président, pourquoi faites-vous de la question du recours à la facilitation une nécessité ?

Patrick Lawson : Gouverner, c’est prévoir. Prévoir, c’est organiser et envisager l’avenir avec sérénité. C’est dire que nous ne voudrions pas faire croire aux populations une fois encore que tout va bien sans envisager que c’est une œuvre humaine que nous accomplissons et qui peut être pleine d’embûches. C’est ainsi que la question de la facilitation se pose.

Pour faire simple, le chef de l’Etat a pris un décret qui englobe en un, deux chapitres importants de l’Accord politique global issu du dialogue inter togolais de Ouagadougou.

Les réformes politiques sont prévues pour être faites dans un temps donné dans le but d’aller vers des élections apaisées, équitables et vers la réconciliation nationale. Il s’agit des réformes politiques (conditions de participation aux élections, réformes institutionnelles et constitutionnelles). Des sujets qui ont toujours divisé les Togolais et qui les ont exposés aux violences meurtrières inouïes. Dans ce domaine, il n’est pas évident que les ententes soient harmonieuses. Et jusqu’à ce que nous retrouvions l’harmonie et la concorde nationale, nous avons encore besoin d’être accompagnés par les amis du Togo et nos partenaires en développement qui n’acceptent de nous aider qu’à condition d’organiser des élections libres, transparentes et équitables, et la bonne gouvernance politique. Et donc, conformément à l’esprit de l’APG, le consensus doit prévaloir et le recours à tous ceux qui peuvent nous amener à nous entendre pour sortir de cette crise s’impose : d’où la nécessité du dispositif de la facilitation. Si en définitive, on n’en a pas eu besoin, tant mieux pour nous tous.

Le deuxième chapitre concerne tous les problèmes qui peuvent survenir après cette paix retrouvée et qui concerne la gestion quotidienne du pays et tous les autres problèmes d’intérêt national. Un chef d’Etat issu d’élections transparentes, jouira de légitimité populaire. De plus, les fonctions régaliennes de l’Etat l’autorisent à consulter qui il veut et quand il veut. Point n’est besoin que le chef de l’Etat recourt à un facilitateur pour savoir s’il doit lutter contre la vie chère, doter le pays d’infrastructures, relancer la croissance économique, lutter contre les licenciements. Il lui est loisible de consulter qui il veut, comme il veut et quand il veut chaque fois qu’il le jugera nécessaire et utile pour la nation. C’est cette confusion qui bloque les travaux du CPDC. En lisant bien le décret, vous vous rendriez compte.

Dans les dispositions générales, l’article premier prévoit : « Il est créé un Cadre permanent de dialogue et de Concertation (CPDC) pour connaître des questions d’intérêt national » alors que l’article 2 dispose : « Le Cadre permanent de dialogue et de concertation regroupe les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale ou ayant obtenu 5% aux élections législatives et le Gouvernement… ».

Dans les attributions et fonctionnement, l’article dit : Le CPDC est chargé :

- decréer, par un dialogue permanent, les conditions de stabilité et de consolidation des institutions républicaines autour des questions d’intérêt national et des principes démocratiques et républicains notamment :
. la constitution ;
. la charte des partis politiques ;
. le code électoral et la régularité des scrutins ;
. les prérogatives constitutionnelles des institutions ;
. l’accès équitable aux médias d’Etat ;
. les droits et devoirs de l’opposition ;
. le code de bonne conduite.

- et de contribuer au renforcement de l’unité nationale par l’enracinement de la culture citoyenne au sein des populations ».

Et c’est cet article 3 qui prend pour le compte du CPDC, les attributions visées par l’APG. Les points listés par cet article sont hautement politiques, ont divisé les Togolais et sont les problèmes qui nous ont conduit aux différents dialogues avec facilitateurs, singulièrement au dialogue inter togolais d’août 2006.

La main sur la conscience, serait-il responsable de notre part de penser que ces problèmes seraient réglés au point de ne pas prévoir des amis qui peuvent nous aider en cas de difficultés ? C’est la raison et nulle autre, qui nous a amenés à demander au CPDC de prévoir cet arsenal et éviter de ne chercher des issues qu’une fois face aux difficultés.

Liberte Hebdo : Que s’est-il passé donc le mardi 17 février 2009 dans la salle de conférence de la Primature ?

Patrick Lawson : Je voudrais dire que si d’autres ne s’étaient pas répandus sur le sujet publiquement à la sortie de ce jour, je me serais gardé de le faire.

Mais ce que nous avons entendu dire ne reflète en rien la réalité des débats. En effet, la question de la facilitation n’a pas permis dès la 2ème séance d’adopter le Règlement intérieur. Or, toute organisation humaine qui n’adopte pas des règles de conduite dès le départ, est vouée à l’échec. Et nous avons soutenu cette position dès le départ.

Seulement, pour prouver notre bonne volonté et justement pour ne pas donner l’impression de vouloir bloquer les travaux du CPDC, nous avons accepté que les débats se poursuivent sur les autres points.

De peur d’accumuler les points de désaccords sans prévoir qui nous aidera d’une manière neutre à les régler, le CAR et l’UFC ont demandé qu’à la séance du 17 février, ce point qui n’est pas un simple problème de forme, soit discuté et réglé.

En dehors de notre position qui a consisté à dire : « En raison de la crise de confiance au plan national, l’UFC demande le recours à la facilitation en cas de blocage des discussions sur tous les sujets relatifs aux réformes politiques (loi électorale ; réformes constitutionnelles et institutionnelles) prévues par l’APG. Pour ce faire, l’UFC demande une suspension de séance jusqu’à vendredi 20 février inclus. Cela permettra aux représentants de l’UFC d’aller rendre compte à leurs mandants et que chaque composante du CPDC en profite pour un temps de réflexion. le CAR a dit : « Nous soutenons le principe de la suspension et demandons qu’on en profite pour permettre au représentant du Président du cadre, de rendre compte au chef de l’Etat dans le but de contribuer à rechercher une solution ».

Le RPT a dit qu’« il faut poursuivre les travaux ; cela nous évitera de remettre en cause les acquis auxquels nous sommes parvenus ».

Le gouvernement a déclaré : « En dépit des divergences sur un éventuel recours à la facilitation, les représentants du gouvernement demandent que les discussions se poursuivent et qu’en cas de blocage, un recours soit fait au chef de l’Etat ».

Mais le président du CPDC a refusé de publier leurs positions pour tenter de jeter l’UFC en pâture. Faire croire que cette demande de suspension, somme toute salutaire pour une poursuite lucide de nos débats, est l’œuvre de la seule UFC qui voudrait voir échouer les travaux du CPDC, est une véritable inexactitude qui ne correspond pas à ce qui s’est passé et que je viens de vous relater.

S’il y a des membres du CPDC qui recherchent le consensus et cherchent à ce que ces dissensions aboutissent, c’est bien l’UFC. Car, les lois scélérates qui ont régi les processus électoraux au Togo ont fait trop de victimes. Ce que nous ne voudrions plus pour la terre de nos aïeux.

Liberte Hebdo : Jeudi dernier, il a été fait état d’une rencontre entre le chef de l’Etat et les partis politiques. Que peut-on retenir de cette rencontre ?

Patrick Lawson : A ce que je sache, les partis membres du CPDC n’ont pas rencontré le chef de l’Etat depuis que nous avons commencé à travailler sur les sujets de l’heure. Depuis le 17 février, il y a une suspension qui donne le temps de réflexion à chacune des composantes. Mais nous apprenons un peu partout qu’une rencontre aurait eu lieu avec le chef de l’Etat. Nous sommes un peu surpris. Nous avons pris contact également avec nos collègues du CAR qui ne semblent pas être informés aussi d’une telle rencontre. C’est vous dire que nous travaillons dans une certaine ambivalence aujourd’hui qui pourrait nuire au résultat de nos travaux. Voyez vous-même, c’est par voie de presse qu’on a appris qu’on a rencontré le chef de l’Etat. Nous sommes allés acheter Togo-Presse pour voir de quoi il s’agissait et on a lu le communiqué disant que le Chef de l’Etat a rencontré les membres des partis politiques. A l’heure où nous parlons, nous ne connaissons ni la teneur des discussions ni les composantes qui ont rencontré le chef de l’Etat. C’est vous dire qu’en réalité, le Cadre permanent de dialogue et de concertation est prévu pour être un fourre-tout et ne sied pas en principe aux discussions ayant trait aux réformes politiques. Mais c’est ce qu’on nous a proposé, c’est pour cela que nous nous battons pour que ça puisse bien se dérouler. Donc nous n’avons jamais été invités par le président du CPDC. J’espère que bientôt on identifiera les partis qu’il a rencontrés.

Liberte Hebdo : Après ces quelques jours de réflexions et de suspension, quelle est votre position sur la question de la facilitation ?

Patrick Lawson : Notre position est celle qui consiste à rassurer. Je vous l’ai dit tout à l’heure, nous sommes des humains et nous nous connaissons. Les sujets dont il s’agit sont des sujets hautement politiques et qui préoccupent les Togolais. Nous disons tout simplement qu’il arrivera un moment où il nous serait difficile de trouver des solutions comme dans du beurre. Et si ce moment advenait, que ce ne soit pas en ce moment qu’on aille chercher qui va nous aider à nous comprendre et à résoudre les problèmes. Recherchons-le dès maintenant et s’il advient qu’il n’a servi à rien, nous dirons tant mieux. Mais nous disons qu’il faut mettre à profit ce temps pour aller vers l’acceptation du principe d’un facilitateur. Voilà ce que nous avons fait pendant ce temps. Nous avons eu des contacts avec nos populations, avec le bureau national et avec le groupe parlementaire UFC. Ils nous ont dit que notre analyse est bonne et correcte et qu’il faut prévoir cette facilitation pour que le Togo ne retombe pas dans une situation de blocage.

Liberte Hebdo : A un an de la présidentielle, pensez-vous qu’on puisse discuter de tous les problèmes ayant trait aux réformes institutionnelles et constitutionnelles ?

Patrick Lawson : Nous, nous pensons qu’il est possible qu’on puisse discuter de ces problèmes. Mais nous pensons également que ce n’est pas une honte que de prévoir que des amis puissent nous aider en cas de difficultés. Donc, notre préoccupation c’est que rapidement on puisse finir la loi électorale pour permettre à nos partenaires et bailleurs de fonds d’enclencher le processus électoral. Nous sommes également préoccupés par le contenu de ces textes. Le contenu de ces textes qui nous évitera à l’avenir les affres du passé. C’est pour cela que nous essayons de trouver l’équilibre nécessaire dans la composition de la CENI, de même que les points qui ont posé des problèmes par le passé. Nous discuterons forcément et clairement sur les conditions d’éligibilité, donc de participation à ces prochaines élections. Nous discuterons de la situation des Togolais qui peuvent être omis sur la liste électorale. Quel sort leur sera réservé ? Ce sont des problèmes qui nous préoccupent. De l’autre côté, nous discuterons des réformes institutionnelles et constitutionnelles ; par exemple, de la réforme de la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication pour qu’elle devienne un organe de régulation et non une institution à la solde du régime. Nous voudrions nous pencher là-dessus. Il en est de même de la Cour constitutionnelle. Désormais, nous voudrions que la Cour Constitutionnelle elle-même puisse aller chercher les résultats dans les bureaux de vote et pouvoir faire l’état de rapprochement avec ce qu’amènera la CENI, etc. Dans les discussions que nous avons, nous avons d’autres problèmes très importants, le financement des partis politiques qui n’est pas un problème réglé puisque le critère choisi ne permet même pas aux trois partis à l’Assemblée nationale d’en bénéficier et nous ne savons pas comment cette répartition est faite. Il y a la question du statut de l’opposition qui, face à tous les problèmes qui se posent, devient aujourd’hui une cerise sur le gâteau parce que des problèmes de loin plus sérieux sont posés actuellement. Et je n’oublierais pas la Cour des comptes qui doit être mise en place pour un meilleur contrôle, une meilleure gouvernance économique dans le pays. C’est seulement avec la Cour des comptes que l’Assemblée nationale pourra également exercer son contrôle sur l’exécutif. En ce sens que sans la Cour des comptes, aujourd’hui, nous ne pouvons pas avoir ce qu’on appelle la loi de règlement. Voilà, grosso modo ce qui nous préoccupe et nous voudrions qu’on puisse le faire consensuellement et être aidées pendant cette période.

Liberte Hebdo : Votre adversaire politique souhaiterait que vous mettiez un peu d’eau dans votre vin, qu’en dites-vous ?

Patrick Lawson : Je ne sais pas ce que ça veut dire parce qu’à chaque fois qu’on nous a dit de mettre de l’eau dans notre vin, on en a mis et on s’est rendu compte que finalement on buvait de la mauvaise eau puisqu’il n’y a même plus de vin, il y a eu trop d’eau. C’est pour vous dire tout simplement que nous ne sommes en rien aujourd’hui exigeants sur un point. Avoir recours à la facilitation conformément à l’APG, est-ce que c’est demander trop ? Nous ne demandons pas la facilitation pour tous les problèmes à caractère national qui pourront surgir au Togo. Nous insistons sur les problèmes qui nous ont divisés et qui nous ont amenés au dialogue. Ces problèmes, nous n’avons pas achevé leurs discussions, on veut les achever, il faut que nos partenaires en développement, ceux qui aident dans le processus électoral puissent être là, et qu’un facilitateur puisse aider, pas forcément pour nous imposer quelque chose mais pour nous aider à nous comprendre peut-être, c’est ce que nous disons. En quoi nous sommes extrêmement exigeants ? Je ne vois pas. Maintenant sur la composition de la CENI, nous avons fait beaucoup de concessions d’ailleurs. Puisque notre souhait était de ne pas voir du tout un membre du gouvernement dans la CENI, nous avons fini par accepter qu’il en ait un qui puisse servir de lien entre le gouvernement et la CENI, dans les cas où la CENI aurait besoin des services de l’Etat. Nous l’avons accepté de bon cœur. Nous avons contribué à ce qu’on trouve une solution pour la représentation au titre de la société civile, pour les partis politiques, ce n’est pas nous qui faisons les calculs mesquins. Ce que nous avons dit est le suivant : il faut rechercher un certain équilibre. Qu’est-ce que nous appelons équilibre ? Pour le RPT et le gouvernement, ils sont majoritaires à l’Assemblée nationale en sièges. Nous, UFC et le CAR, nous sommes majoritaires en voix. Ce sont ces voix-là qui ont permis de redistribuer les sièges ; malheureusement le découpage électoral inique et l’achat des consciences n’ont pas permis de proclamer les résultats reflétant la volonté populaire. Mais pour cette raison et faire court, nous avons dit qu’il n’est pas nécessaire qu’on continue à se chamailler sur ces deux notions mais considérons qu’il y a une partie qui est majoritaire en voix et l’autre qui est majoritaire en siège, trouvons l’équilibre. Et l’équilibre qu’on a trouvé c’est six pour chaque composante mais quand une composante demande à l’autre à connaître comment elle va répartir le nombre qu’elle a obtenu en son sein. A partir de là, cette composante qui est le pouvoir se mêle de ce qui ne la regarde pas. Voilà des problèmes, ils sont simples, nous ne voyons pas qu’on formule des exigences qui ne peuvent pas trouver de réponses aujourd’hui. Et c’est en cela que nous sommes inquiets. Sur des sujets qui sont aussi accessibles, on ne parvient pas à nous entendre. Qu’est-ce que ça va être avec des problèmes beaucoup plus ardus. Et nous disons donc qu’il faut dès maintenant qu’on se prémunisse en recherchant un facilitateur.

Liberte Hebdo : Qu’est-ce qui sous-tend la tournée de sensibilisation qu’a entreprise votre parti depuis quelques semaines ?

Patrick Lawson : En fait, c’est une demande forte des populations qui veulent comprendre ce qui se passe. Ces populations nous encouragent à aller dans la voie de la clarté, afin que les prochaines élections ne soient plus conflictuelles et sanglantes. Elles se disent partout prêtes pour nous soutenir dans toutes les actions républicaines que nous envisagerons.

Au Togo, on oublie souvent que les manifestations même de rues, sont prévues par la République et l’Etat de droit. Ce sont des moments de symbiose et d’encouragement pour nous.

Interview réalisée par Didier Ledoux

 

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