Faux complot

Trente neuf ans après le fameux « complot du 8 août 1970 »

par Ekoué Satchivi - UFCTOGO.COM , le 17 août 2009, publié sur ufctogo.com

Un évènement avait en août 1970 surpris le peuple togolais lorsqu’il apprend par la voie des ondes que les Forces Armées Togolaises ( FAT) avaient déjoué une conspiration. Les services de Radiodiffusion du Togo avaient pour la journée du dimanche 9 août, respecté leur programme jusqu’à la mi-journée. Au lieu du bulletin d’information, la grille des programmes a été interrompue une heure durant.

 

Intrigués, les auditeurs apprendront par la voix de feu Frédéric Ali Dermane, alors Ministre de l’Information, que les Forces Armées Togolaises avaient déjoué un complot prévu pour la veille. La même information a été lue dans un communiqué paru le 10 août dans les colonnes du quotidien Togo–Presse.

Qui étaient les conjurés ? Il s’agissait selon le communiqué officiel d’un plan ourdi par des Ghanéens, Dahoméens ( Béninois) et quelques Togolais... Les principaux instigateurs étaient l’Officier de police Alexandre Jean Osseyi, alors en charge du Commissariat du 2e Arrondissement sur la Route de Kpalimé à Lomé et Clément Kolor, ancien député et à l’époque agent à Togopharma. Y était également impliqué, Me Noé Kutuklui, avocat et ancien ministre, réfugié à Cotonou. Les 17 membres du complot avaient été surpris au cours d’une dernière réunion au domicile de l’officier de police Osseyi. Tous s’étaient rendus aux autorités, à l’exception de Clément Kolor qui avait tenté de s’enfuir, malgré les injonctions du chef commando des FAT. Il sera abattu.

Une perquisition aux domiciles des conjurés, avait permis la découverte et la saisie d’armes et de munitions. Les conjurés, selon la thèse officielle, avaient à cœur de renverser le régime Eyadèma, assurer la mainmise des éléments étrangers sur les FAT et permettre à l’officier de police Osseyi « lésé » dans ses fonctions, d’obtenir une promotion.

L’émouvante communication de Marc Atidépé

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feu Marc Messan Atidépé

Durant les travaux de la Conférence nationale de juillet-août 1991 à Lomé, feu Marc Messan Atidépé avait livré aux délégués une communication fort émouvante sur le fameux « complot du 08 août 1970 ». Pour lui, le cerveau n’était pas Alexandre Jean Osseyi. Celui qui l’avait pensé était le Général Etienne Eyadéma et son ami Théophile Mally (ancien acheteur de produits, ancien ministre de l’Intérieur sous Olympio et natif Akposso comme Osseyi).

A en croire le délégué Marc Atidépé, il s’agissait d’un faux complot et tous ceux qui étaient sur la liste noire, étaient tous ceux dont la tête était mise à prix. Faisant état des menaces d’arrestation qui planaient sur Laurent Djagba et lui ; ils avaient jugé utile de s’exiler d’abord à Accra au Ghana avant de mettre le cap sur la Côte d’Ivoire. Malheureusement pour eux , ils furent arrêtés à Takoradi, confiés au Commandant Koffi Rainhilf Kongo et ramenés menottes aux poings à Lomé. Retournés au bercail, Laurent Djagba et Marc Messan Atidépé feront la découverte d’autres personnages inconnus mais impliqués dans le complot. Il y avait le vieux Chef Dobli, presque centenaire. L’implication du vieil homme très avancé en âge, disait le médecin Atidépé était pour lui, la confirmation du caractère fallacieux du putsch.

Une rude saison en enfer

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Commandant Koffi Kongo

La vie au camp militaire de Tokoin ne leur était pas du tout repos. Chaque militaire, quelque soit son grade, pouvait faire des « conjurés » ce qu’il voulait. Ils étaient soumis à des interrogations publiques avec des bastonnades rituelles dirigées par le Commandant Kongo. Le Général Eyadèma exigeant pour sa part de Laurent Djagba des scènes mimant l’acte sexuel sur le sol.

La cellule était l’un des points chauds du calvaire des putschistes présumés. Conçue pour deux détenus au maximum, elle recevait jusqu’à huit. La formule pour les détenus d’alléger leurs peines, consistait à se tenir alternativement jour et nuit ; quatre debout et autant accroupis. Au fond de la cellule, se trouvait un seau pour y uriner et faire les besoins. Quatre détenus notamment Jean Osseyi, Laurent Djagba, Roger Mensah et Marc Atidépé eurent le « privilège » d’accompagner le général-président Eyadèma dans le Nord- Togo (Sokodé, Kara et Pya). Lesquels furent soumis à un interrogatoire très éprouvant.

Le procès du Palais de justice à Lomé

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Laurent Djagba

Ils furent nombreux à être jugés au Palais de justice de Lomé/ Roger Mensah, Laurent Djagba, Jean Osseyi, Christophe Lanzo (père d’Isidore, le président du Comité Togolais de Résistance), Plakoo Vincent, Pilibe Dobli (petit-fils du Chef Dobli), Hilaire d’Almeida , da Cruz, Marc Messan Atidépé …. Au sein du jury, il y avait l’ancien ministre Mally cité plus haut.

Les avocats, tous commis d’office par les autorités pour défendre les conjurés, entrèrent en conflit avec le commissaire du gouvernement. Les autorités ayant violé leur propre loi. Un article du décret instituant la Cour de Sûreté de l’Etat stipulait que tout prévenu à propos duquel le juge d’instruction aurait prononcé un non–lieu devrait être libéré. Les sieurs Plakoo Vincent et Marc Messan Atidépé ayant bénéficié de ce non–lieu , avaient été pourtant déférés devant le tribunal.
Devant un tel flou ; les avocats togolais décidèrent à l’unisson de refuser de plaider et quittèrent la salle d’audience. Y était resté seul Me Liensol de nationalité française. Après le jugement, le calvaire était devenu plus atroce pour les prisonniers (bastonnades, tortures, coups de fouets se sont succédé à un rythme indescriptible, selon les aveux de Marc Atidépé. Vers la mi–décembre 1970 « ces tortures deviennent plus offensives et fréquentes ». « Le 25 décembre 1970, un certain lieutenant Gaston Gnéhou revenu de stage en France, avait participé à notre torture sans oublier le Commandant Robert Adéwui et le Capitaine Lawani » ; avait ajouté le délégué Atidépé dans sa communication.
Six mois après ; l’officier Alexandre Jean Osseyi meurt le 2 janvier 1971 suivi le lendemain de Christophe Lanzo privé de soins médicaux. Un autre détenu nommé Tchankoum avait succombé à Dapaong et son corps déposé près de la préfecture où les habitants étaient invités à aller le « voir ». Feu Dr Robert Koblavisoè Fiadjoe, ancien Maire adjoint de la Ville de Lomé et initiateur de la Clinique Biasa était aussi impliqué dans le fameux complot. Il aura la vie sauve grâce à sa relaxe pour manque de preuve concernant sa participation. L’ancien médecin à la Polyclinique de Lomé (Gakpodji) meurt le 23 juillet 1998 à l’âge de 82 ans.

Après un an de réclusion, son collègue Marc Atidépé ; l’un des plus courageux des politiciens togolais de sa génération est libéré à son tour avant de mourir tragiquement le 5 mai 1992 dans l’attentat de Soudou contre le convoi de l’Union des Forces de Changement (UFC) en tournée politique au Nord Togo. Des survivants impliqués dans l’affaire du 8 août 1970 avaient gardé des séquelles liées à leurs conditions de détention. Lesquelles séquelles ont été avant tout la cause de leur décès avant l’âge. Près d’un quart de siècle après, le peuple togolais, un condensé de « migrants venus de divers horizons à la recherche de cieux cléments » se souvient du fameux « complot du 8 août 1970 » et aura toujours une pieuse pensée à l’endroit de ceux qui innocemment ont passé de vie à trépas dans ce ténébreux dossier.

Sources :
* Togo –Presse No 2448 –49 des 10 et 11 août 1970
* Communication de l’Unité Togolaise et Réconciliation (UTR) à la CNS – juillet/août 1991
* Les violences politiques au Togo avant l’indépendance jusqu’à nos jours (GRAD/mars 2008)

Ekoué Satchivi.

 

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