Une alternance exemplaire au Kenya selon la presse française
par UFCTOGO.COM , le 31 décembre 2002, publié sur ufctogo.com
En effet, Libération du 30 décembre 2002 note que « l’opposant Mwai Kibaki...deviendra ainsi le troisième président de l’histoire du pays après Jomo Kenyatta, le père fondateur au pouvoir, de l’indépendance jusqu’à son décès en 1978, puis Moi...
Une transition démocratique et, pour l’instant, pacifique, ce qui reste une rareté sur le continent africain...
Après vingt-quatre années à la présidence, Moi ne pouvait pas, d’après les termes de la Constitution, se présenter à un troisième mandat. »
C’est le quotidien Le Monde qui prend toute la mesure de l’événement en y consacrant un éditorial dans son édition du 30 décembre 2002
La rédaction évoque « l’exemple kenyan » que devraient suivre ces chefs d’Etat africains accrochés au fauteuil présidentiel et qui ne savent comment opérer une sortie :
« En remettant le pouvoir à un successeur élu, qui n’est pas le dauphin qu’il s’était choisi, le président kényan, Daniel arap Moi, réussit sa sortie quand tant d’autres dirigeants africains s’enferment dans un dilemme fatal : ils ne cèdent pas le fauteuil présidentiel par crainte d’être poursuivis - eux-mêmes et la clientèle de leur régime qui est souvent leur parentèle - pour les abus qu’ils ont commis ; mais, plus ils s’agrippent à leur fonction, plus ils se révèlent des dictateurs et "kleptocrates" à qui nul ne peut garantir l’impunité à leur départ de la présidence...
Aussi les "dinosaures" au pouvoir tels que Daniel arap Moi, à la tête du Kenya pendant vingt-quatre ans, refusent-ils la plupart du temps de passer la main. Ce fut le cas d’un Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, laquelle ne finit pas d’expier cette succession manquée ; d’un Sékou Touré en Guinée, où l’autocratie est devenue héritière ; ou d’un Mobutu dans l’ex-Zaïre, chassé du pouvoir quand celui-ci n’était plus qu’une fiction. Le Sénégal, grâce à Senghor et à Abdou Diouf, est l’exception. Omar Bongo, au Gabon, trouvera-t-il la sortie ?
Au printemps de la démocratie en Afrique, consécutif à la chute du mur de Berlin, succède l’automne des Constitutions violées. Celles-ci, concédées sous la pression, limitent le nombre des mandats présidentiels successifs. De ce fait, une décennie plus tard, nombre de règnes arrivent à échéance - et pas seulement ceux des "anciens". Au Togo, le général Eyadéma, au pouvoir depuis 1967, vient d’engager la révision constitutionnelle qui lui permettra de briguer un énième mandat en 2003. Mais en Namibie et au Malawi des nouveaux élus, qui se croient aussi investis d’un mandat éternel, violentent également la loi fondamentale. Et que dire du Zimbabwéen Robert Mugabe ? Il fait, hélas, école parmi les "nouveaux leaders progressistes", chers aux Occidentaux dans les années 1990 : en Ouganda, en Erythrée et en Ethiopie, Yoweri Museveni, Issayas Afeworki et Meles Zenawi sont en voie de "mugabisation"...
Ce contexte rend d’autant plus importante l’alternance démocratique au Kenya. Pour que celle-ci acquière valeur d’exemple, il faudra en retenir les conditions qui l’ont rendue possible : l’éclatement du parti-Etat, dont des transfuges apportent à l’opposition une culture de gouvernement, au double sens d’une capacité gestionnaire et d’une connivence liant des anciens barons au président sortant. Ce dernier peut alors partir, assuré qu’il ne se retrouverait dans le box des accusés qu’aux côtés de ses anciens associés au pouvoir.
Tel est le pari de Daniel arap Moi, véritable rédemption d’un mal-aimé, à qui les Etats-Unis ont apporté leur caution pour que, parti de son gré, on le laisse tranquille. C’est là l’ultime condition du changement de garde au Kenya, pays martyr deux fois pris pour cible par le terrorisme international : la principale puissance occidentale a prêté attention à la pérennité d’un Etat, perçu comme allié du combat mondial de l’après-11 septembre.

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