Prohibée dans les années 70, son utilisation contre la malaria redevient « acceptable ».
Interdit dans les années 70, le DDT refait son apparition et se révèle l’une des armes les plus efficaces contre les moustiques, quand on le vaporise sur les murs des maisons. Introduit dans les années 50, le DDT a été utilisé pour lutter contre le typhus pendant la Seconde Guerre mondiale, puis pour éradiquer le paludisme en Grèce, en Italie et dans le sud de la France, et comme insecticide dans l’agriculture aux Etats-Unis et en Afrique du Sud. Mais le produit est reconnu par les scientifiques comme neurotoxique et dangereux pour l’environnement. En 1962, l’Américaine Rachel Carson publie Silent Spring (le Printemps silencieux), dans lequel elle décrit l’impact environnemental dévastateur du DDT, qui détruit, selon elle, l’écosystème et les oiseaux, qui ne chantent plus au printemps, d’où le titre du livre.
Dans les années 70, l’usage du DDT à des fins agricoles est donc prohibé dans plusieurs pays, dont la France. « Non seulement Rachel Carson avait tort dans ses prévisions, mais les bénéfices du produit pour la santé publique ont, du coup, été complètement négligés », tonne Richard Tren, de la fondation Africans Fighting Malaria. Pendant des décennies, dit-il, le DDT n’a plus été utilisé contre le paludisme parce que « politiquement incorrect ». En 1996, l’Afrique du Sud doit changer d’insecticide sous la pression des écologistes. Mais les moustiques résistent au nouveau produit. En quatre ans, le nombre de morts est multiplié par huit. Le DDT est réintroduit dans ce pays comme dans d’autres (Maroc, Ethiopie, Namibie, une trentaine au total dans le monde). La vaporisation de DDT dans les habitations est, il est vrai, de seulement 2 grammes par mètre carré. Rien à voir avec le largage de tonnes entières de cet insecticide sur les champs américains.
Maureen Coetzee, spécialiste du paludisme à l’Institut national pour les maladies transmissibles d’Afrique du Sud, reconnaît que le DDT est « un poison qui a une durée de vie importante et qui a été retrouvé dans le lait de mères allaitant. Mais s’opposer à son utilisation dans les pays en développement est inapproprié », estime-t-elle. « Si vous donnez le choix à une mère entre avoir une petite quantité de DDT dans son lait ou voir son bébé mourir du paludisme, a-t-elle vraiment le choix ? » ajoutait-elle récemment dans une interview à l’agence de presse sud-africaine Sapa.
« La vaporisation est limitée aux maisons et elle est très faible. L’insecticide ne s’infiltre pas dans les rivières ou dans les sols, précise Richard Tren. On peut sauver des millions de vies grâce au DDT. Le lobby des environnementalistes tue tous les jours des bébés africains ! » La convention de Stockholm, qui liste le DDT comme l’un des douze polluants organiques persistants dont l’usage doit être restreint, l’autorise pour des problèmes de santé publique. L’OMS le fait figurer dans sa liste d’insecticides recommandés dans la lutte contre le paludisme.
Dans un communiqué de février 2004, l’ONU note que « l’usage du DDT pour la lutte contre les épidémies, en conformité avec les recommandations de l’OMS, est jugé acceptable car il reste essentiel dans nombre de pays pour lutter contre la malaria, transmise par les moustiques ». Les écologistes eux-mêmes approuvent discrètement son utilisation dans le combat contre le paludisme. « Le recours au DDT ne nous plaît pas, mais nous comprenons qu’en l’absence de solution de rechange, il doit être utilisé en quantités très limitées », confirme Rob Little, directeur du WWF (Fonds mondial pour la nature) pour l’Afrique du Sud.
Stéphanie SAVARIAUD
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