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TOGO : c’était l’aube ...

par Paris-Match (France) , le 13 janvier 1963, publié sur ufctogo.com

Togo : C’était l’aube. Le commandant Dadjo et ses demi-soldes ont eu peur d’éveiller la ville... Ils ont tué Olympio, le président de la République, pour qu’il ne fasse pas de bruit.

DE NOTRE ENVOYE SPECIAL JACK GAROFALO.

 

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En l’espace d’un mois les bases politiques de trois jeunes Etats africains ont été profondément ébranlées ; le 17 décembre dernier, c’était à Dakar une tentative de coup d’Etat contre le président sénégalais Léopold Senghor. Puis circulaient en Côte-d’lvoire des rumeurs de putsch contre Houphouët-Boigny. Le 13 janvier, le Togo est entré à son tour dans le cycle de la violence avec l’assassinat à Lomé, capitale du pays, de son président, Sylvanus Olympio : il gisait à l’ aube sur les marches de l’ambassade des Etats-Unis, où il avait tenté de se réfugier, atteint à la poitrine de trois coups de fusil.
Le putsch avait été déclenché par d’anciens tirailleurs de l’armée française rapatriés il y a un an ; Sylvanus Olympio, les considérant comme des mercenaires, avait refusé de les intégrer dans les forces nationales. Ils étaient 700 à n’avoir pu se recaser dans leur pays. Huit officiers et sous-officiers ont formé un comité provisoire à 2 km de la capitale et ont appelé à leur tête Nicolas Grutnisky. Celui-ci avait été chef du gouvemernent entre 1956 et 1958 et avait été battu aux élections par son beau-frère, Sylvanus Olympio. L’opposition reprochait à ce dernier, en plus de son antimilitarisme, d’avoir établi un régime de dictature et de pratiquer une politique d’ " isolationnisme ". Olympio avait déjà échappé à deux attentats.

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Les soldats putchistes
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De gauche à droite : le lieutenent Koffi KONGO, l’adjudant CHANGO, le lieutenent ASSILA, Kléber DADJO en chemise claire, les sous-lieutenant, MENSAH, BODJOLE, et le lieutenant ALIDOU, ... tous "éliminés" depuis ....

"Je l’ai descendu parce qu’il ne voulait pas avancer". Ainsi naissent les mots historiques : Sylvanus Olympio, président-dictateur du Togo, est mort " parce qu’il ne voulait pas avancer ". Ni sur la route de l’Histoire. Ni sur le chemin de la démission, où on le conduisait ce soir-là avec un canon de fusil dans les côtes.
Pourtant, l’homme qui parle n’a rien d’un personnage du Malet-lsaac. C’est un grand diable noir de vingt-sept ans au visage couturé de balafres rituelles : l’adjudant-chef Eyadema, ancien sous-off’ de tirailleurs. Au camp Tokoin, l’unique caserne du Togo, où siège sans désemparer le Comité révolutionnaire , l’adjudant et tyrannicide Eyadema est assis sur la table.
Il a posé son képi à côté de lui et il s’éponge le front avec un grand mouchoir militaire. Ce n’est pas l’émotion, c’est la chaleur. Sa grosse voix est sans haine, juste un peu lasse.
- On en avait assez, il y avait trop d’injustice. Alors on s’est réuni à une vingtaine, et l’ on a décidé de changer de gouvernement. Il était minuit et demi, samedi soir, quand on est arrivé devant la maison d’Olympio. Notre idée, c’était juste de le faire prisonnier.
- Qui va là ? ont dit les deux sentinelles.
- C’est moi, adjudant-chef Eyadema. On vient pour arrêter le président.
II y a eu un petit moment de silence.
- Entre frères d’armes, j’ai dit. on ne va pas se tirer dessus bêtement ?
- Vous êtes sûrs de pouvoir le prendre ? ont demandé les sentinelles.
- La maison est cernée.
- Bon. Alors allez-y, mon adjudant-chef.
Mais quand on est entré, Olympio a tiré deux coups de revolver dans l’escalier, et il a sauté par la fenêtre de sa chambre. Il est tombé sur le toit du poulailler, et il a filé dans le jardin. Comme tout était gardé, on a décidé d’attendre le jour. Vers six heures du matin, un de mes hommes a entendu claquer la portière d’une voiture. Je me suis approché. C’était Olympio. Il essayait de se cacher entre les coussins et le plancher. Je l’ai fait sortir de là, et je lui ai dit de marcher devant. Il a fait quelques mètres, jusqu’au portail de l’ambassade d’Amérique. Et là, il a refusé d’avancer. On a discuté. Il s’est mis à m’injurier. Il criait très fort. Le jour se levait et les gens commençaient d’arriver. Ça pouvait faire un incident. Alors, j’ai tiré.
Et l’adjudant conclut sur ces mots étranges :
- Un incident, ça aurait fait très mauvais effet dans le pays. Le président, c’était quelqu’un de connu.

Mauvais présage !

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Tout le monde l’avait remarqué, personne n’en avait parlé. Aujourd’hui, tous s’en souviennent et hochent la tête. C’était le 28 avril 1960. Quelle liesse ce jour-1à, et comme il était populaire. Olympio ! Devant les envoyés du monde entier accourus à Lomé, le Togo s’apprêtait à fêter son indépendance. A la tribune d’honneur, le président Olympio, sanglé dans une impeccable veste blanche, allait connaître son jour de gloire : pour la première fois, les couleurs togolaises devaient monter au mât.
Mais non. Voilà qu’au milieu du parcours, le drapeau tout neuf s’est arrêté. On a beau tirer sur le cordon, secouer le mât : les couleurs du Togo refusent de monter.
Ce sera un affreux silence, un blanc -qui va durer dix minutes, jusqu’à ce qu’on ait enfin trouvé le moyen de dégager le cordon coincé dans la poulie. Lourdes minutes ! A Sylvanus Olympio, immobile derrière ses micros, comme à tous ceux qui sont là ...

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